Depuis le dĂ©but du confinement, les maires de l’association Ville et Banlieue participent Ă une visio-confĂ©rence avec Julien Denormandie, ministre en charge de la Ville et du Logement. Le 2 avril, cette rĂ©union a Ă©tĂ© Ă©largie Ă d’autres maires de communes en politique de la ville, non membres de l’association.
L’objectif : faire remonter leurs difficultĂ©s, informer des dispositions prises par le gouvernement, et partager les solutions pratiques mises en Ĺ“uvre par les uns ou les autres. Entretien avec Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes, vice-prĂ©sidente de la communautĂ© d’agglomĂ©ration Grand Paris Seine et Oise, et première vice-prĂ©sidente de l’association Ville & Banlieue.
Le respect du confinement est-il la problématique majeure dans les quartiers politique de la ville ?
Le problème principal, dans nos communes, est que nous avons un maximum de logements sociaux, souvent trop petits, trop occupĂ©s. C’est une vraie question. Le respect du confinement ne pose pour autant plus vraiment problème.
Cela a Ă©tĂ© le cas au dĂ©but, quand ses règles ont pu ĂŞtre perçues comme un discours institutionnel et les jours oĂą il a fait un trop beau temps. Le week-end du 28-29 mars a aussi Ă©tĂ© un peu difficile car des familles avaient peut-ĂŞtre anticipĂ© que le confinement ne serait pas prolongĂ©. La première semaine, puis encore un peu la seconde, nos Ă©changes portaient ainsi surtout sur la manière d’arriver Ă convaincre de la nĂ©cessitĂ© de ce confinement. La question du couvre-feu a par exemple Ă©tĂ© soulevĂ©e, mais nous avons presque tous estimĂ© que celui-ci ne servirait Ă rien. Le fait que toute la sociĂ©tĂ©, la tĂ©lĂ©vision… ne parle plus que de ça, nous a aidĂ© aussi.
A prĂ©sent, Ă la troisième semaine de confinement, compte tenu des conditions de vie de nos populations, je trouve qu’elles le respectent plutĂ´t avec sĂ©rieux. Mis Ă part les jeunes, qui constituent globalement la moitiĂ© des habitants de nos communes : Ă leur âge, qu’elle que soit l’origine, on n’a peur de rien.
Mais dans nos visio-confĂ©rences, ce sont Ă prĂ©sent d’autres difficultĂ©s qui nous prĂ©occupent. Et nous ne savons pas ce que seront celles des prochaines semaines. Nous devons nous adapter en permanence.
Quels sont ces sujets qui Ă©mergent aujourd’hui ?
La rĂ©ussite Ă©ducative tout d’abord. Un certain nombre de parents et mĂŞme d’enfants ne sont pas Ă l’aise avec internet, alors que c’est l’outil qui a Ă©tĂ© privilĂ©giĂ© pour accompagner les familles pour la poursuite de la scolaritĂ©. Cela se verra forcĂ©ment, car cette pĂ©riode aura supprimĂ© une grosse moitiĂ© de trimestre d’Ă©cole. Cela va inĂ©vitablement creuser les inĂ©galitĂ©s.
Nous avons Ă©voquĂ© plusieurs solutions Ă cette problĂ©matique. Pour les familles qui n’ont ni ordinateur ni internet, les villes pourraient acheter des fournitures scolaires et des tablettes, et solliciter des clĂ©s 3G auprès d’opĂ©rateurs, par exemple. Nous pensons aussi faire le point sur ce qui se passe pour les collĂ©giens.
Une autre question se prĂ©sente avec le dĂ©but des vacances scolaires :  comment occuper ce temps qui Ă©tait gĂ©nĂ©ralement pris en charge par les centres de loisirs, centres sociaux… Nous devons très vite nous y rĂ©pondre.
La prĂ©caritĂ© de nos populations est un autre sujet commun. Les collectivitĂ©s ont souvent pris en main l’aide alimentaire parce que les bĂ©nĂ©voles des associations qui s’en occupent d’habitude sont souvent âgĂ©s et doivent rester Ă l’abri. Cette prĂ©caritĂ© va s’aggraver encore avec le chĂ´mage partiel, les contrats d’insertion non renouvelĂ©s…
La question du paiement des loyers s’est posĂ© dès cette fin mars et se posera pour avril. Nous pouvons, les uns ou les autres, ĂŞtre en contact avec les bailleurs sociaux prĂ©sents dans nos territoires, mais nous avons posĂ© la question clairement et collectivement au ministre. Il nous a rappelĂ© les mesures prises pour l’hĂ©bergement d’urgence et la mobilisation du Fonds de solidaritĂ© logement pour les locataires en difficultĂ© pendant cette crise, mais il n’a pas actĂ© que ces loyers seraient supprimĂ©s ou diffĂ©rĂ©s. D’ailleurs, la question se poserait de toute manière pour les propriĂ©taires privĂ©s, qui ne pourraient pas supporter un tel report. Cependant, si l’on ne fait rien, il faut se prĂ©parer Ă un après-confinement très difficile.
Comment anticiper un après-confinement difficile ?
C’est un enjeu notamment pour les associations. Certes, celles des QPV bĂ©nĂ©ficient comme les autres des mesures annoncĂ©es par le gouvernement, par exemple lorsqu’elles sont employeurs. Mais il faudrait des aides supplĂ©mentaires pour les associations de QPV. Car il faut qu’elles se tiennent prĂŞtes Ă relancer leurs actions dès la fin du confinement : mĂŞme si les collectivitĂ©s maintiennent une prĂ©sence a minima auprès de la population (permanences logement, social…), les difficultĂ©s restent cachĂ©es, actuellement. Je crains qu’Ă la sortie du confinement, nous ne soyons vite dĂ©bordĂ©s.
Les petites associations avaient-elles reçu les financements annoncés par Emmanuel Macron en février 2019 ?
Je ne crois pas, car cette crise est arrivĂ©e au plus mauvais moment, le premier trimestre de l’annĂ©e, oĂą aucune subvention de l’Etat n’est encore arrivĂ©e, des financements ne sont pas attribuĂ©s, des dossiers pas encore dĂ©posĂ©s… Heureusement, le 2 avril, le ministre nous a dit que les communes peuvent, si elles le souhaitent, attribuer des subventions aux associations Ă hauteur des engagements de 2019, bien qu’elles n’aient pas encore votĂ© leur budget. Par ailleurs, les chefs de projet et les services impliquĂ©s dans la politique de la ville veillent actuellement, en tĂ©lĂ©travail, Ă ne pas perdre de temps sur le montage des dossiers.
D’autres professionnels de la politique de la ville continuent-ils Ă aller sur le terrain ou s’appuient-ils sur les membres des conseils citoyens et sur les adultes-relais, par exemple ?
Nous avons Ă©tĂ© nombreux Ă nous dire que ce sont aux Ă©lus et aux travailleurs sociaux, avant tout, d’assurer l’urgence. Les actions habituelles de la politique de la ville sont suspendues pour l’instant.
Les membres des conseils citoyens ne sont mobilisĂ©s que s’ils ont un autre rĂ´le, comme prĂ©sident d’association. Quant aux adultes-relais, ceux qui interviennent en mĂ©diation, oui, continuent leur travail pour achever de convaincre de l’intĂ©rĂŞt du confinement et pour faire remonter des difficultĂ©s. Ils sont d’ailleurs en situation de risque et nous avons du mal Ă les protĂ©ger, faute de masques et de gants.
Heureusement, les grandes difficultĂ©s habituelles de nos territoires ne sont pas majeures en ce moment : en clair, ils sont plutĂ´t calmes. Mais on ne peut pas prĂ©dire ce que cela donnera par la suite. D’autant qu’il y a de gros risques de perdre le lien avec des jeunes que l’on avait commencĂ© Ă accrocher et Ă faire entrer dans un parcours d’insertion. La mĂ©diation vers l’emploi est très difficile Ă maintenir actuellement, parce que les relais habituels ne sont pas lĂ , parce que les chantiers d’insertion sont diffĂ©rĂ©s… Or ces jeunes ont besoin de contacts directs. LĂ encore, c’est après le confinement qu’apparaitront les difficultĂ©s : il faudra reprendre tous les contacts.
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