Lors de la matinée que « La Gazette » a consacrée aux 35 ans de la fonction publique territoriale, le 28 juin dans les locaux de la MNT à Paris, nous avions intitulé le premier débat ainsi : « Projet de loi de réforme de la fonction publique : que reste-t-il des fonctionnaires ? » Un titre un brin provocateur, certes, mais qui sous-entend aussi que, sur le temps long, les notions et principes fondateurs de la fonction publique ont peut-être été dilués à force de réformes et d’ajustements.
Olivier Dussopt, le secrétaire d’Etat qui porte le projet de loi de transformation de la fonction publique, et ouvrait le débat, assure que « non, on ne va pas vers une fonction publique sans fonctionnaires, et sans statut », faisant valoir que cette réforme n’est que la dernière d’une longue lignée qui n’a « pas fait disparaître le statut ».
Restera-t-il des fonctionnaires ?
En fait, on ne peut lui donner tort, mais en droit, et sur le fond, Didier Jean-Pierre, professeur agrégé de droit public à l’université d’Aix-Marseille, valide « l’audace » de notre titre et le prolonge : « Dans trente-cinq ans, on pourra se demander s’il reste des fonctionnaires… »
En soi, cela ne serait pas une première, rappelle cet éminent spécialiste du droit de la fonction publique, puisque, jusqu’à la fin du XIXe siècle, le Conseil d’Etat refusait de se saisir du contentieux des personnels communaux, qui relevaient du droit privé. Et c’est une lente évolution qui a conduit aux lois structurantes de 1982, 1983 et 1984, porteuses des valeurs de la fonction publique moderne.
Usager vs client
« Mais l’esprit de l’époque n’a plus cours aujourd’hui. Les choses ont profondément changé, à l’intérieur des principes fondateurs », constate Didier Jean-Pierre, qui déplore le risque de « banalisation » du droit de la fonction publique, matérialisé, dans le projet de loi actuel, par la multiplication des convergences avec le droit du travail.
« Si l’on banalise le rôle de la puissance publique, avertit-il, et qu’on la ravale au rang de prestataire de service […], on crée alors avec l’usager une relation identique à celle que peut avoir une entreprise à l’égard d’un client. Et plus personne ne comprendra l’intérêt de la fonction publique. » Rendez-vous dans trente-cinq ans, ou avant.
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