[Montreuil (Seine-Saint-Denis) 108 400 hab.] Ce mercredi après-midi de fĂ©vrier, une cinquantaine de lycĂ©ens montreuillois sont venus assister Ă la deuxième « masterclass » organisĂ©e dans le cadre du concours d’éloquence des « Libres parleurs ». Ils Ă©coutent Caroline ÂMĂ©cary, avocate en droit de la famille, spĂ©cialisĂ©e dans la cause LGBT (qui concerne les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres), leur expliquer comment on construit une plaidoirie efficace. « Pour bâtir un argumentaire convaincant, il faut une organisation, une articulation du discours. Ne pas rechercher l’esthĂ©tique, car un trop beau discours ne touche pas, mais parler avec ce que l’on est et transmettre une Ă©motion Âsincère », leur dit-elle.
Ce projet de former Ă l’art oratoire des Ă©lèves des lycĂ©es publics est une initiative du maire, Patrice Bessac, orchestrĂ©e par ÂClĂ©ment ViktorovitchÂ, professeur de rhĂ©toÂrique et nĂ©gociation Ă Sciences-po Paris. De mi-janvier à  mi-avril, les lycĂ©ens volontaires ont pu participer Ă des ateliers hebdomadaires de deux heures, hors temps scolaire, animĂ©s par un enseignant en binĂ´me avec un intervenant extĂ©rieur, et Ă trois masterclass. Les neuf meilleurs d’entre eux se sont affrontĂ©s lors d’un concours final, mi-avril, devant un jury prĂ©sidĂ© par le maire. « Plus que ce concours final, ce qui nous importe est de leur apprendre Ă argumenter et Ă dĂ©fendre leur point de vue, explique ClĂ©ment ÂViktorovitch, c’est moins l’éloquence qui nous intĂ©resse que l’argumentation. »
Une place dans la société
L’objectif est bien l’accès à la citoyenneté. « Savoir prendre la parole, exprimer ses idées et les défendre est une compétence fondamentale pour avoir une place dans la société, aussi bien sur le plan scolaire ou professionnel que dans l’exercice de la citoyenneté », poursuit-il. Or cette compétence essentielle n’est quasiment pas enseignée : « L’accès au langage demeure profondément inégalitaire puisque, comme le montrait Bourdieu, il est hérité des parents et du milieu social. »
Or savoir parler en public, ça s’apprend. HĂ©lène ÂBronner est l’une des six enseignants Âvolontaires ayant animĂ© gracieusement les ateliers en binĂ´me avec un professionnel. « On propose des exercices pour soutenir le regard, placer sa voix, faire attention Ă la gestuelle, explique-t-elle. Et des exercices plus longs : dĂ©clamer un discours de NapolĂ©on, prĂ©parer l’éloge d’un personnage malĂ©fique, se confronter deux par deux en dĂ©fendant des arguments pour et contre sur un thème donné… Cela leur donne de l’assurance, ils prennent conscience de l’effet produit sur le public. »
Faire rire et convaincre
Les masterclass sont animĂ©es par des professionnels de la prise de parole en public : le professeur de rhĂ©torique ÂClĂ©ment Viktorovitch sur le rythme et la musicalitĂ© du discours ; l’humoriste Haroun sur la manière de faire rire ; l’avocate ÂÂCaroline ÂMĂ©cary sur l’art de convaincre. ElodieÂ, Ă©lève de Âterminale S, est conquise. « On rencontre des gens de haut niveau et on peut leur poser des questions sur leur mĂ©tier, c’est une expĂ©rience humaine très riche. »
L’objectif est atteint. « Nous avons dix Ă©lèves par atelier, y compris des filières techniques et professionnelles, souligne ClĂ©ment ViktorovitchÂ. La force de ce projet est d’être portĂ© par une municipalitĂ©, Ă l’échelle d’un territoire, qui plus est en banlieue ».
Contact : mairie, 01.48.70.60.38.
« Une démarche d’éducation populaire »
Patrice Bessac, maire
« Lors des concours d’accès prioritaire Ă Sciences-po Paris, j’ai Ă©tĂ© frappĂ© de voir Ă quel point les Ă©lèves Ă©taient pĂ©nalisĂ©s par leur manque d’aisance Ă l’oral, et donc par leur origine sociale, malgrĂ© le gros travail fourni. Avec les « Libres parleurs », nous voulons donner Ă tous des outils pour argumenter, ainsi que le goĂ»t de la parole publique et du dĂ©bat citoyen, et les prĂ©parer au grand oral du baccalaurĂ©at. C’est une dĂ©marche d’éducation populaire et de formation Ă la citoyennetĂ©. Les enseignants nous ont suivis dans cette initiative que nous allons inscrire dans la durĂ©e, pour faire de ce concours d’éloquence un grand moment de participation et de valorisation de la jeunesse. Le budget de la deuxième Ă©dition, 20 000 euros, est dĂ©jĂ actĂ©. »
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