Dans « Qatar Papers » (1), les deux grands reporters Christian Chesnot (Radio France) et Georges Malbrunot (« Le Figaro ») révèlent les comptes détaillés de la principale ONG qatarienne internationale, Qatar Charity. Créée en 1972, elle a pour mission d’aider les communautés musulmanes en Europe. Grâce aux dons officiels des fidèles et à des financements liés directement à l’émir, cette ONG a participé au financement d’écoles, de mosquées, d’associations, d’immobilier, aux quatre coins du vieux continent. En France, les deux journalistes mettent la lumière sur plus d’une vingtaine de projets pour près de 30 millions d’euros. Un moyen pour le Qatar, d’après eux, de propager son influence et sa vision d’un « islam globalisant ». A travers des documents comptables très détaillés et des notes des renseignements territoriaux, ils retracent l’ingérence du Qatar en France dans une douzaine de villes, au moment même où Emmanuel Macron réfléchit à légiférer sur le financement des associations cultuelles et sur la constitution d’un islam de France.
Christian Chesnot dénonce également l’aveuglement ou l’attitude parfois trouble de certains maires qui, par électoralisme ou ignorance, ont laissé s’installer une forme de communautarisme dans leurs communes. « La question est de savoir si, dans une république laïque, c’est à la mairie de subventionner le communautarisme ? » s’interroge-t-il. A l’approche des municipales de 2020, les auteurs diffusent la crainte de certains maires de voir émerger des listes communautaires dans leur commune. « A partir du moment où, à l’échelle locale, la communauté musulmane a ses institutions, est bien intégrée et qu’elle est nombreuse, alors elle pèse électoralement. »
Pourquoi le Qatar investit en France ?
Le projet d’influence du Qatar est européen. Ce pays immensément riche n’a pas assez de ressources humaines et s’est donc appuyé sur le réseau des Frères musulmans en finançant des associations dans son orbite. Les Frères musulmans, dirigés par Hassan al-Banna, prônent un islam intégral qui accompagne l’individu musulman de la naissance à la mort. Le centre islamique et la mosquée sont les lieux de vie avec des activités annexes – piscine, morgue, bibliothèque, magasins… Cet islam globalisant est dans une zone grise que l’on peut nommer l’islam politique. On peut le définir comme un islam qui déborde de la mosquée et s’étend sur la vie publique.
Cette opacité pose question au moment où l’on veut construire un islam de France.
Il s’exprime par des demandes pour des horaires réservés aux femmes dans les piscines publiques, du prosélytisme pour le port du voile… La mosquée cathédrale à Mulhouse, par exemple, a coûté 26 millions d’euros. Elle sera la plus grande mosquée de France. Ce centre islamique va toucher un bassin de 200 000 musulmans entre la Suisse, l’Allemagne et la France. A Bagnolet (Seine-Saint-Denis), on a repéré un financement d’une association européenne de femmes musulmanes proche des Frères musulmans. Elles ont acheté un immeuble qu’elles ont mis en location. L’objectif est de le transformer en centre pour femmes et d’y prodiguer des conseils sur le couple dans une ambiance musulmane et religieuse. En Angleterre, des tribunaux islamiques pour divorcer ont déjà été mis en place.
J’ai également enquêté à Décines, dans la banlieue de Lyon, où la mairie était mécontente car le centre interculturel, qui a coûté plus de 4 millions d’euros, voulait récolter la zakat (impôt à vocation sociale perçu auprès des musulmans, ndlr) pour financer l’aide sociale. Les élus voyaient cette démarche d’un mauvais œil. Le danger est de créer du communautarisme et des sociétés parallèles.
Comment réagissent les maires face à ces financements qataris ?
Souvent, les maires ne veulent pas voir et il y a une forme d’ignorance. Certains élus ne savent pas qui se cache derrière telle ou telle association de leur commune. Parfois, ils sont mal informés par les renseignements territoriaux. Il y a aussi une part indéniable de clientélisme de certains. Comme le vote des musulmans est important, il peut y avoir une tentation d’encourager un projet de mosquée d’une association pour récolter des voix aux prochaines municipales. Des maires ne souhaitent pas répondre et font la politique de l’autruche.
Le vrai problème est
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