Depuis 2015, les images de jeunes s’amusant autour de l’impressionnant geyser provoqué par l’ouverture sauvage d’une bouche à incendie sont légions sur les réseaux sociaux. Un véritable défi pour les collectivités, en première ligne face à ce problème endémique.
Un phénomène récent très à la mode
Le « street-pooling » (littéralement « piscine de rue », en anglais) est né à New York à la fin du XIXème siècle, alors que la ville faisait face à un fort épisode caniculaire qui a causé la mort de plusieurs centaines de personnes. Les autorités ont alors autorisé temporairement l’ouverture sauvage des bouches à incendie afin d’apporter un semblant de fraîcheur aux habitants. Depuis, la pratique est devenue un véritable phénomène de société aux Etats-Unis et ce, malgré son caractère illégal.
Le « street-pooling » est arrivé en France il y a trois ans à peine, devenant rapidement une mode grâce aux images diffusées très largement sur les réseaux sociaux. Une note diffusée début juillet par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l’Intérieur a relevé une multiplication du phénomène durant l’été 2017 dans 28 départements partout sur le territoire, et plus particulièrement dans les agglomérations parisienne, lilloise, lyonnaise et bordelaise.
Vive la canicule… (1) ☀️😡 #BoucheIncendie #StreetPooling
(Pour info, en 4 jours, ≈1000 bouches à incendie ouvertes dans 75, 92, 93 & 94) pic.twitter.com/hayMl60lxK— Les joies du RER (@LesJoiesDuRER) June 22, 2017
Ces pratiques présentent de vrais dangers pour la sécurité publique. Outre le fait de compliquer grandement le travail des pompiers par l’encombrement des lignes d’appels d’urgence et la logistique des interventions, la création d’une « piscine de rue » présente de nombreux risques comme l’électrocution, les chocs dus à la très forte pression de l’eau éjectée, les inondations dans les habitations environnantes ou encore les accidents de la route. Les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) se sont rapidement mobilisés afin d’organiser de grandes campagnes d’information à portée pédagogique, notamment à destination des jeunes sur les réseaux sociaux.
Les dégradations des bouches à incendie représentent un immense gâchis à la fois d’eau mais également d’argent public. En 2017, le Syndicat des eaux d’Ile-de-France déplorait la perte de centaines de millions de litres d’eau. Résultat, des milliers d’euros de coûts de réparation à la charge des collectivités.
Les collectivités en première ligne
De façon générale, la lutte contre les incendies s’inscrit dans le cadre des pouvoirs de police administrative du maire de la commune conformément à l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, qui évoque « le soin de prévenir par des précautions convenables les accidents et les fléaux calamiteux tels que les incendies ».
C’est ainsi que l’édile doit, en tant qu’autorité de police générale, s’assurer de l’existence, du caractère fonctionnel et de la suffisance des moyens de lutte contre les feux. Cela malgré la centralisation au niveau départemental de la gestion des moyens de lutte contre les incendies, les Sdis n’ayant en général qu’un rôle de conseillers techniques et d’accompagnement pour les communes.
Cette obligation concerne en particulier le fait de veiller à la disponibilité constante de points d’eau tels que des réservoirs et des bornes à incendie auquel cas la responsabilité civile de la commune sera engagée devant la juridiction administrative sur le fondement de l’article L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales.
Ainsi, même en cas de dégradations volontaires des bouches à incendie présentes sur le territoire municipal, le maire est dans l’obligation de veiller à leur réparation, voir à leur remplacement, dans les plus brefs délais.
Des solutions se développent à vitesse grand V
Face à la recrudescence de ces actes de vandalisme, les collectivités cherchent à s’adapter. La note ministérielle de la DGSCGC livrait de précieux conseils aux autorités locales afin de se prémunir de ce genre de pratiques.
Celle-ci recommande notamment la « mise en place d’équipements permanents sur les points d’eau incendie (PEI) » afin de « limiter les possibilités d’ouverture », mais aussi l’installation d’un « dispositif de limitation du débit d’eau », la « fermeture préventive des vannes de sectionnement » en fonction des vagues de chaleur ou encore l’installation de « dispositifs publics de rafraîchissement ».
D’ailleurs, certaines collectivités n’ont pas attendu ces conseils pour prendre des mesures afin d’endiguer le phénomène des « piscines de rues ». Au début du mois de juillet, la commune de Bondy, en Seine-Saint-Denis, a installé un brumisateur dans la rue afin de pouvoir rafraîchir les habitants.
Contre le street pooling, Bondy a trouvé la solution du brumisateur pour tous pic.twitter.com/E3Cs0VJTPF
— BFMTV (@BFMTV) July 2, 2018
D’autres communes de la région parisienne ou du nord de la France ont mis en place des système anti-ouverture sur leurs bouches à incendie afin de décourager au maximum les amateurs de baignades urbaines. D’autres collectivités ont décidé de taper au porte-monnaie, comme la ville d’Asnières (Hauts-de-Seine) qui a voté l’instauration d’une amende de 9000€ pour toutes personnes qui se risquerait à forcer l’ouverture d’une borne.
Enfin, il convient de rappeler que ce type d’acte de vandalisme fait risquer à son exécutant une peine de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende, au regard des articles 322-1 et suivants du Code Pénal.
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