Réunis, mercredi 11 juillet, par la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, plusieurs experts sont venus débattre de l’inscription des enjeux climatiques et environnementaux dans la Constitution.
Passée inaperçue face aux mastodontes que sont les autres pans de la révision constitutionnelle actuellement devant le Parlement, l’ajout dans le texte fondateur de la Vème République de la lutte contre le changement climatique est pourtant présent dans le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace.
Opportunité réduite
Première question posée aux experts réunis au Sénat le 11 juillet : l’opportunité d’inscrire dans le texte constitutionnel les enjeux climatiques et environnementaux.
Sur ce point, le professeur de droit constitutionnel d’Aix Marseille Université, Didier Maus, n’y a pas été par quatre chemins : « Introduire les enjeux climatiques et environnementaux dans la Constitution est une fake-news ! Ils sont déjà présents dans le texte ».
Il faut reconnaître que la protection de l’environnement occupe d’ores et déjà une place importante dans le bloc de constitutionnalité. Depuis la loi constitutionnelle n°2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement, le droit de l’environnement « n’est plus une simple ‘branche’ du droit mais bien l’un de ses fondements qui se diffuse et s’impose progressivement à l’ensemble des branches du droit » pour reprendre l’analyse de l’avocat spécialiste Aranud Gossement.
Mais cette analyse n’est pas celle de Michel Prieur, professeur émérite à l’Université de Limoges, et également présent à la table ronde du Sénat. Pour ce dernier, « ajouter des dispositions environnementales dans la Constitution en 2018 s’impose d’abord pour des raisons scientifiques. On ne peut pas ignorer la crise climatique et la perte de la biodiversité que nous vivons actuellement ». Cet ancien professeur de droit a même repris la célèbre formule chiraquienne « la maison continue de brûler et on continue de regarder railleurs ».
Article 1er ou article 34 ?
Autre question posée lors de la table ronde du Sénat le 11 juillet : la place que cette future inscription devait prendre dans le texte constitutionnel. Car en la matière, deux solutions s’opposent : modifier l’article 1er ou l’article 34 de la Constitution.
A l’origine, le texte présenté le 9 mai en Conseil des ministres avait pour objectif d’inscrire la lutte contre les changements climatiques à l’article 34 de la Constitution. On pouvait ainsi lire à l’article 2 du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace : « Au quinzième alinéa de l’article 34 de la Constitution, après le mot : ‘environnement’ sont insérés les mots ‘et de l’action contre les changements climatiques’.
Sauf que depuis, l’inscription des enjeux climatiques et environnementaux a basculé à l’article 1er du texte lors de son récent passage devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale qui a voté, non pas la modification de l’article 34 de la Constitution, mais de son article premier: « Elle [la République] agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques ».
Face à nouvel emplacement constitutionnel, les experts de la table ronde ont été unanimes : la solution de l’article 34 doit être abandonnée au profit de celle de l’article 1er. Didier Maus, de rajouter : « Le rôle de l’article 1er n’est pas de formuler des objectifs politiques mais de garantir des droits fondamentaux. Quant à l’article 34, il donne déjà compétence au législateur en matière environnementale. Donc si le constituant veut inscrire les enjeux climatiques et environnement dans le texte suprême, qu’il amende la Charte de l’environnement ! Il pourrait, par exemple, rajouter le changement climatique au 5ème considérant ».
Le texte arrivera dès septembre au Sénat.
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