Les Etats membres vont avoir de nouvelles armes pour interdire les organismes génétiquement modifiés (OGM). Pour débloquer la procédure d’autorisation de semences d’OGM, la Commission européenne va proposer, le 11 février, une liste de sept motifs qui pourraient être évoqués pour interdire la culture d’OGM.
Révélé par Reuters, le projet de la Commission européenne précise que le maintien de l’ordre public face à l’opposition de la population serait l’une des raisons possibles. Les interdictions pourraient également être justifiées par des motifs de moralité publique, tels que les préoccupations religieuses ou philosophiques.
La préservation des pratiques agricoles traditionnelles, l’assurance pour les producteurs et les consommateurs de trouver des produits sans OGM, les décisions d’aménagement du territoire et de la ville, ou encore la préservation des zones naturelles sont également citées. Les motifs proposés par l’exécutif européen « sont sans surprise », a expliqué un diplomate européen.
« Ces […] raisons peuvent être invoquées, seules ou combinées, par un Etat membre, afin de limiter ou d’interdire la culture d’OGM sur tout ou une partie de son territoire », explique le document. S’ils utilisent l’une des raisons énumérées comme motif d’interdiction, les Etats devront veiller à ce que les restrictions soient «justifiées, proportionnées et non discriminatoires», ajoute le texte.
Volonté des Etats – Cette liste a été rédigée à la demande des Etats membres. Plusieurs gouvernements craignaient que sans de solides arguments juridiques, l’interdiction de cultures au niveau national soit sujette à de possibles contestations par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
En précisant les arguments que les Etats membres pourraient utiliser pour interdire les cultures génétiquement modifiées, la Commission espère atténuer l’opposition de plusieurs d’entre eux à son plan visant à transférer au niveau national les décisions d’autorisation des OGM.
Un porte-parole de la Commission a cependant précisé qu’il n’était pas prévu de modifier les propositions de cultures génétiquement modifiées ni d’ajouter cette liste de motif à un projet de loi. Mais, selon un expert juridique de l’UE même si les raisons d’interdiction sont issues de la législation communautaire existante et de décisions de la cour de justice européenne, la seule façon de les rendre juridiquement sûres serait de les ajouter au projet de loi.
Aucune sécurité juridique – « Sans cela, la validité juridique de cette liste est très discutable. Elle ne protégerait pas les pays de l’UE contre une action en justice par les sociétés de biotechnologie, des agriculteurs ou des partenaires de l’OMC », souligne un professeur assistant de droit communautaire à l’Université libre d’Amsterdam, Thijs Etty.
Même si la liste était ajoutée à la législation, la plupart des raisons invoquées ne seraient pas valide en vertu des règlements actuels de l’OMC, et les pays auraient du mal à prouver que les interdictions nationales de cultures génétiquement modifiées fondées sur ces raisons sont proportionnées et non discriminatoires, ajoute M. Etty.
Lors de la présentation de son rapport sur les OGM, à Paris, le 24 janvier, l’eurodéputée Corinne Lepage avait déjà souligné « le flou artistique des motifs de la Commission » et s’inquiétait de la « fausse liberté laissée aux Etats membres ».
Comment la réglementation des OGM est-elle organisée entre l’UE et les Etats ?
La réglementation des OGM est gérée au niveau communautaire. Elle comporte une procédure d’autorisation de dissémination volontaire et de mise sur le marché des OGM, avec évaluation commune des risques par l’Agence européenne de sécurité des aliments. La durée est limitée à 10 ans renouvelables. Un contrôle est assuré après la mise sur le marché des OGM.
Les demandes d’utilisation d’OGM en laboratoire ou les demandes d’essais en France relèvent de la compétence nationale.
La Commission européenne a présenté le 13 juillet 2010 une proposition de règlement qui modifie la directive 2001/18 sur les OGM, afin de permettre aux Etats membres de restreindre ou d’interdire leur culture sur leur territoire.
Cette proposition fait l’objet de nombreuses critiques à la fois de la part des partisans et des adversaires des OGM. Pour eux, le nouveau système va créer une insécurité juridique pour les agriculteurs et les agri-entreprises.
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