Si l’une des priorités de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, est la création du portail « justice.fr », permettant de numériser l’administration judiciaire, l’autre grand chantier semble être celui d’une refonte de la carte judiciaire pour coller au mieux à la nouvelle distribution des régions.
Mais « pas de réforme sans concertation », assure Nicole Belloubet, qui a missionné Dominique Raimbourg et Philippe Houillon, anciens présidents de la commission des lois de l’Assemblée nationale, pour « recueillir l’avis de l’ensemble des parties prenantes, professionnels du droit, magistrats et fonctionnaires, parlementaires et élus locaux, sur les principes qui doivent sous-tendre l’organisation judiciaire et proposer différentes options pour l’organisation de la justice de demain ».
Un sujet épidermique
Les travaux de cette mission n’ont pas encore débuté que le chantier suscite déjà des controverses. Il faut dire que le sujet est épidermique depuis la première grande réforme menée en 1958 par Michel Debré, au terme de laquelle près de 3 000 justices de paix furent transformées en tribunaux d’instance et de grande instance répartis dans les départements en fonction de leur niveau de population.
Plus récemment, en 2007, la réforme de la carte judiciaire de Rachida Dati avait, quant à elle, supprimé une juridiction sur quatre. Un traumatisme toujours présent dix ans plus tard chez les professionnels judiciaires qui redoutent que l’actuel ministère de la Justice applique les préconisations de la Cour des comptes, laquelle avait appelé, dans un rapport de 2015, à réduire le nombre de cours d’appel pour n’en maintenir qu’une par région.
Une option qui menacerait, entre autres, les cours de Pau, Poitiers, Riom ou Metz. Déjà pointée du doigt en 2007, cette dernière, dont la particularité est d’avoir son ressort limité au seul département de la Moselle, craint de voir transférer son contentieux civil et commercial vers Nancy. Un non-sens juridique pour les avocats mosellans qui mettent en avant l’argument de la spécificité du droit local.
Sémantique choisie
Entendue par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 18 octobre, Nicole Belloubet s’est voulue rassurante devant les représentants de la nation. « J’entends les inquiétudes des territoires et je ne vous mens pas en vous disant qu’il n’y aura pas de nouvelle carte judiciaire », énonçait-elle.
Mais la suite de son intervention a été plus déroutante : « Votre inquiétude, je l’entends mais je la trouve excessive. Si le droit se complexifie, il est bien normal qu’on réfléchisse à une réforme de notre organisation judiciaire. » Pas de nouvelle carte judiciaire, donc, mais une réforme de l’organisation judiciaire.
Une subtilité sémantique qui, à en écouter la ministre, permettra de maintenir le maillage des lieux de justice tout en se posant la question de la cohérence des cartes judiciaire et administrative. « Je m’interroge sur l’incohérence actuelle des deux cartes parce qu’elle induit celle des politiques publiques », a expliqué la ministre, qui a conclu son audition en affirmant qu’en la matière, « le statu quo n’est pas la solution ».
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