Jusqu’à une décision du mois d’octobre du Conseil constitutionnel, les communes pouvaient protéger l’utilisation de leur nom pour les noms de domaine de sites web créés par des tiers.
Ainsi, la commune de Bessières a pu protéger le nom de domaine « Bessières.fr », utilisé par un particulier, auprès de l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (AFNIC) dans une décision du 21 octobre 2010 (1). Idem pour Nemours.fr, Saint-Cloud.fr, Arras.fr, Château-Thierry.fr…. et une douzaine d’autres noms déposés par une société de création de sites web.
«Toutes les communes qui ont posé un recours ont eu gain de cause, elles ont toutes récupérés leur droit sur leur nom de domaine avec extension en .fr » indique Isabelle Toutaud, responsable du service juridique de l’AFNIC.
Censure du Conseil constitutionnel
Les communes et l’AFNIC se fondent sur l’article L. 45 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) relatif au droit des noms de domaine français, précisé par son décret publié le 6 février 2007 (2).
Sauf que ce décret aux dispositions particulièrement protectrices pour les collectivités locales a été invalidé par le Conseil constitutionnel le 6 octobre 2010 (3), dans le cadre d’une Question prioritaire de constitutionnalité, au motif que ses dispositions ne relevaient pas du pouvoir réglementaire. Le juge constitutionnel fixait dans sa décision la date du 1er juillet 2011 pour que le législateur adopte une nouvelle rédaction de l’article L. 45.
Trouver le « véhicule législatif »
Depuis la décision du Conseil constitutionnel, les noms de domaines des collectivités locales n’étaient plus, potentiellement, protégeables. Les parlementaires avaient donc peu de temps, et un calendrier déjà très chargé, pour adopter une nouvelle rédaction de l’article L 45.
C’est dans le projet de loi « portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques », que Lionel Tardy, député de Haute-Savoie (UMP) a pu introduire un amendement qui reconstitue les règles de protection. La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a rendu son avis sur ce texte le 1er décembre.
Ne pas entraver la liberté d’entreprendre
Pour l’essentiel, cet amendement reconduit les règles préexistantes, et tient compte notamment des noms de domaines déposés par des sociétés avant le 1er janvier 2004, et enregistrés avant le 9 février 2007. Ainsi, une collectivité peut récupérer un nom de domaine sauf s’il a été déposé avant ces dates par une entreprise. C’est le cas par exemple de la société Evian qui avait réservé le nom de domaine evian.fr, la ville ayant choisi ville-evian.fr, puisque la marque Evian existait avant 2004. Même choix pour la ville de Gap et la marque de vêtements Gap.
«Mais quand l’entreprise change de propriétaire, la ville peut à nouveau prétendre à retrouver son nom de domaine » précise Isabelle Toutaud. Après trois ans de pratique nous avons identifié les points qui méritent d’être plus explicites dans la loi. Il faut trouver un juste équilibre pour ne pas entraver la liberté d’entreprise car l’enregistrement d’un nom de domaine doit être pérenne dans la durée ».
Ajouter « mairie » pour ouvrir le web communal
De nombreuses communes rurales, nouvelles arrivantes sur le Web, se posent bien sûr la question de réserver leur nom de domaine. L’extension en «.fr » pour le site web et pour les adresses e-mail renforce le caractère officiel et régalien dans la communication d’une collectivité locale. L’association des maires ruraux de France (AMRF) qui vient d’ouvrir à leur intention une plateforme de création de site web a adopté une démarche pragmatique : «Beaucoup de communes ont des homonymes. Quand le nom est déjà réservé, nous leur conseillons d’ajouter le mot mairie et d’enregistrer dans la foulée le nom en « .com » et « .net », commente Hervé Cassagne responsable TIC et nouveaux médias de l’association des maires ruraux de France. Le nom de domaine ne doit pas être un point de blocage pour ouvrir un nouveau service aux habitants »
Références
- Article 45 du code des postes et communications électroniques relatif à la gestion des noms de domaines de l’internet
- Décret n° 2007-162 du 6 février 2007 relatif à l'attribution et à la gestion des noms de domaine de l'internet et modifiant le code des postes et des communications électroniques
- Décision n° 2010-45 QPC du 06 octobre 2010
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Notes
Note 01 Décision du 21/10/2010 FR00181 bessieres.fr Commune de Bessieres / M. Jacques Bessières, AFNIC Retour au texte
Note 02 Décret n° 2007-162 du 6 février 2007 relatif à l'attribution et à la gestion des noms de domaine de l'internet et modifiant le code des postes et des communications électroniques Retour au texte
Note 03 Décision n° 2010-45 QPC du 06 octobre 2010 Retour au texte