Un texte, du 5 août 2010 signé par Michel Bart, le directeur de cabinet du ministre de l’intérieur, stipule que « 300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d’ici trois mois, en priorité ceux des Roms. Il revient donc, dans chaque département, aux préfets d’engager (…) une démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux de Roms ».
Le document cible donc expressément, et à plusieurs reprises, les Roms. « Par ailleurs, il convient évidemment d’empêcher l’installation de nouveaux camps illicites de Roms. Dans le cas d’un début d’installation vous mettrez tout en œuvre pour vous y opposer (…) « , précise également le texte.
Eric Besson dit « tout ignorer »
Cette circulaire contredit les propos d’Eric Besson qui a assuré le 12 septembre tout ignorer de la circulaire du ministère de l’Intérieur. Le ministre de l’immigration et de l’identité nationale avait par ailleurs contesté la semaine dernière que les Roms aient été spécialement visés par ce que le gouvernement présente comme une politique d’aide aux retours volontaires. « Le droit européen a été respecté. Il n’y a pas eu d’expulsion collective », a dit Eric Besson en déplacement à Bucarest. Ce document contredit donc ses dires.
Le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a « tenu à signer personnellement » une nouvelle circulaire aux préfets relative aux évacuations de campements illicites pour « lever tout malentendu sur une éventuelle stigmatisation » des Roms, a annoncé son entourage le 13 septembre. Cette circulaire, dont l’AFP a eu connaissance, demande aux préfets de « poursuivre » les évacuations de camps illicites « quels qu’en soient les occupants ».
Les associations saisissent le Conseil d’Etat
Des associations critiquent la légalité du texte. « Avec la circulaire du ministère de l’intérieur, on joint le geste à la parole. On vise un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une communauté. On est dans la provocation à la discrimination », a estimé Stéphane Maugendre, le président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), pour le Monde.fr.
L’association de juristes, et le Conseil représentatif des associations noires (Cran) préparent donc un recours en annulation devant le Conseil d’Etat. Actuellement, l’association « examine » le document pour voir « s’il constitue une infraction pénale ». « Vous imaginez une circulaire nommant expressément les Juifs ou les Arabes ? », s’est indigné Stéphane Maugendre sur France Info. C’est « la traduction (réglementaire) du discours politique du président Nicolas Sarkozy, le premier à désigner expressément les Roms »‘, a t-il expliqué.
« Cette circulaire est contraire à la Constitution, laquelle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine », a expliqué à La Croix Jean-Pierre Alaux, chargé d’études au Gisti.
Si le Conseil d’Etat est saisi, il peut décider de suspendre très rapidement la circulaire, avant de statuer sur le fond. Une telle suspension aurait pour effet de rendre impossible toute expulsion en vertu de cette circulaire. Le gouvernement pourrait immédiatement en signer une nouvelle, mais devrait veiller cette fois-ci à ne pas viser spécifiquement les Roms.
La Commission européenne, l’ONU réagissent
Le 13 septembre, la Commission européenne a répété qu’aucune catégorie de population ne pouvait être visée en Europe du fait de son origine ethnique, se refusant dans l’immédiat à juger sur le fond cette circulaire.
La Commission européenne, qui a demandé des « informations » à Paris pour évaluer si les expulsés avaient bénéficié de tous les droits qui leurs sont garantis en matière notamment d’intégration, devrait rendre prochainement ses conclusions.
A Genève, la Haut commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Navi Pillay, a qualifié de « préoccupante » la « nouvelle politique » de Paris envers les Roms « qui ne peut qu’exacerber leur « stigmatisation » et leur « extrême pauvreté ».
Références