SollicitĂ©s par le ministre de la Ville, Patrick Kanner, dans la foulĂ©e des attentats du 13 novembre, les vingt membres du bureau de l’association des maires « Ville & Banlieue » ont partagĂ© leurs retours d’expĂ©rience ayant fait leurs preuves sur le terrain. Ce brassage d’idĂ©es leur a permis de faire ressortir trois enjeux prioritaires – l’Education, l’accès Ă l’emploi et la sĂ©curitĂ© – dĂ©clinables en de multiples actions, qu’ils ont prĂ©sentĂ© et commentĂ© le 14 janvier dernier.
Pour sa part, le ministre a annoncé vouloir signer d’ici l’été 2016 une convention entre le ministère de la Ville, le ministère de l’Intérieur et l’association Ville & Banlieue. Objectif : formaliser la réponse préventive de l’Etat en croisant les propositions des élus locaux avec celles du gouvernement.
Le Club prĂ©vention sĂ©curitĂ© a sĂ©lectionnĂ© une partie des propositions avancĂ©es par l’association d’Ă©lus, dont l’intĂ©gralitĂ© est accessible sur son site web.
Lire notre article : « Radicalisation : les maires de banlieues interpellent l’Etat sur sa « politique d’austérité »
Education scolaire et populaire, parentalité, santé mentale
Accroissement des moyens humains de l’Education nationale et de l’ensemble des services publics de l’enfance et de la famille
- Veiller Ă la suffisance des moyens de droit commun de l’Education nationale dans les quartiers prioritaires, tel que prĂ©vu par la convention interministĂ©rielle Ville/Education nationale signĂ©e en 2013 ;
- Achever ou redessiner la gĂ©ographie prioritaire de l’Education nationale pour qu’elle se superpose Ă celle des quartiers prioritaires de la politique de la ville ;
- Mettre en oeuvre un plan national de recrutement de personnels de l’Education nationale des catĂ©gories tendant Ă disparaĂ®tre dans les territoires les plus en difficultĂ© : assistances sociales, personnels des rĂ©seaux d’aides spĂ©cialisĂ©es aux Ă©lèves en difficultĂ© (RASED), etc ;
Accroissement des moyens pour les « moments-clĂ©s » des apprentissages fondamentaux et risques de dĂ©crochage
- ExpĂ©rimenter dans les quartiers en RĂ©seau d’Éducation Prioritaire (REP et REP-Plus) le maĂ®tre unique de la grande section au CE1
- Mettre en place des cellules de veille Ă©ducative avec les services de prĂ©vention de la ville, de l’Éducation nationale, du dĂ©partement et des caisses d’allocations familiales pour prĂ©venir la dĂ©scolarisation volontaire ;
- Redonner aux Missions de lutte contre le dĂ©crochage scolaire (MLDS) les moyens anciennement dĂ©volus aux Missions gĂ©nĂ©rales d’Insertion (MGI) pour l’accompagnement des jeunes de 16 ans sortis du système scolaire sans solution ;
Instauration d’une politique de la langue française et de l’Ă©ducation morale, citoyenne et civique
- Augmenter les moyens consacrĂ©s Ă l’apprentissage de la langue et de l’expression française hors de l’Ă©cole, via des ateliers sociolinguistiques ;
- Mettre rĂ©ellement en Ĺ“uvre l’enseignement civique et moral, l’Ă©ducation aux symboles de la RĂ©publique et de la Nation, la connaissance des institutions rĂ©publicaines lĂ©gislatives, exĂ©cutives, administratives et judiciaires, leurs codes et modalitĂ©s de fonctionnement ;
- DĂ©velopper l’entraĂ®nement Ă l’esprit critique et l’éducation Ă l’image face aux mĂ©dias d’information et aux messages d’endoctrinement Ă l’œuvre sur les rĂ©seaux sociaux ;
- Développer les Classes de Défense et Sécurité Globale (CDSG) des collèges comme moyens de renforcement des liens armée/nation ;
Implication des parents dans la scolarité de leurs enfants
- Favoriser le dialogue Ecole / familles pour permettre l’acquisition des codes de l’institution scolaire et développer une culture commune entre les co-éducateurs ;
- Inciter les communes, les conseils départementaux et régionaux à concevoir des espaces médians entre les établissements scolaires et le quartier ;
AmĂ©lioration de l’offre prĂ©ventive pĂ©ri et extra-scolaire
- Garantir l’accès de tous les enfants aux activitĂ©s pĂ©riscolaires par une totale gratuitĂ© en Ă©largissant Ă toutes les communes ayant des quartiers prioritaires l’aide complĂ©mentaire de 50 euros, et en promouvant l’intĂ©rĂŞt de la signature d’un Projet Ă©ducatif de territoire (PEDT)
- Instituer un fonds relevant du Ministère de la Ville pour coopĂ©rer avec les AutoritĂ©s organisatrices de transports (AOT) afin d’assurer un transport sĂ©curisĂ©, gratuit ou Ă coĂ»t très limitĂ© des enfants et adolescents entre leur lieu de rĂ©sidence et leur Ă©tablissement scolaire ainsi que leur site de pratique sportive et/ou culturelle ;
- Soutenir les initiatives de type des Fonds d’initiative des habitants centrĂ©s sur les enfants, les jeunes, les familles et l’intergĂ©nĂ©rationnel ;
- Engager sans tarder une rĂ©flexion nationale, Ă laquelle il conviendrait d’associer les Ă©lus des territoires, sur l’opportunitĂ© de la mise en place d’un dispositif de service national, militaire et/ou civil, obligatoire ou pas ;
Formation, insertion sociale et professionnelle, accès Ă l’emploi
Renforcement d’un service public de l’emploi partenaire d’une vĂ©ritable stratĂ©gie territoriale
- Repenser l’aménagement du territoire à tous les niveaux de responsabilité (État et collectivités) et à toutes les échelles de territoires (Région, agglomération) pour rééquilibrer les dynamiques de développement ;
- Doter de moyens d’intervention adaptés les services publics de l’emploi dans les quartiers prioritaires, et déployer leurs agents en priorité dans ces territoires, en veillant à leur nombre et leur formation ;
Soutien actif aux possibilitĂ©s personnelles d’entame d’un parcours vers l’emploi
- Développer dans le périmètre de la géographie prioritaire le nombre de places disponibles au titre de la 2ème chance éducative ;
- Imposer, Ă chaque fois que cela est compatible avec l’objet du marchĂ©, une clause d’insertion dans les cahiers des charges de tous les marchĂ©s publics, partenariats public-privĂ© (PPP) et dĂ©lĂ©gations de services publics (DSP)
- Inciter les opĂ©rateurs et promoteurs Ă conventionner avec les collectivitĂ©s et les services de l’État pour mettre en place des dispositifs d’insertion de mĂŞme nature que ceux des opĂ©rations publiques pour les opĂ©rations structurantes d’amĂ©nagement et de travaux dans lesquelles la puissance publique est appelĂ©e Ă intervenir (droit des sols, de l’urbanisme, de l’environnement, etc) ;
- Installer des « comités de suivi territoriaux de l’insertion » ayant obligation de rendre compte régulièrement et publiquement, des publics pris en charge et des résultats obtenus dans ce domaine
- Faire connaĂ®tre et valoriser les initiatives publiques et privĂ©es ayant permis la rĂ©ussite de parcours d’insertion en quartiers prioritaires ainsi que les personnes en ayant tirĂ© parti ;
- Élargir le champ d’intervention du fonds de soutien (voir 1.5.2) aux dispositifs et actions favorisant la mobilitĂ© vers l’emploi ;
- Amplifier les efforts publics pour assurer aux personnes en recherche d’emploi ou en parcours d’insertion un bilan de santé et un accès aux soins ;
- Amplifier les efforts publics pour assurer un mode d’accueil et de garde aux jeunes enfants des personnes en recherche d’emploi ou en parcours d’insertion ;
Lutte contre les discriminations Ă l’embauche
- Renforcer les ressources humaines des services de l’État en charge  du respect du droit du travail dans les QPV, en particulier de la prĂ©vention et de la rĂ©pression des discriminations Ă l’embauche ;
- Soutenir et faire connaĂ®tre toutes les initiatives permettant de supprimer, ou de minorer, l’impact discriminant de l’origine ethnique et de l’adresse de rĂ©sidence
Lutte contre l’Ă©conomie parallèle
- Renforcer de façon très significative les moyens de la lutte policière et judiciaire contre les Ă©conomies parallèles, qui ruinent les efforts en vue de l’insertion professionnelle, nuisent Ă l’image des rĂ©sidents des QPV, induisent de l’insĂ©curitĂ© rĂ©elle et confortent le sentiment d’insĂ©curitĂ©, freinent l’installation d’acteurs Ă©conomiques ; et cela sans apporter de solution Ă la pauvretĂ© des familles de dealers ni Ă la cessation de ces activitĂ©s : une nouvelle filière prenant la place d’une autre lorsqu’un rĂ©seau est dĂ©mantelĂ© ;
- Mobiliser de façon appuyĂ©e et rĂ©gulière les ComitĂ©s opĂ©rationnels dĂ©partementaux anti-fraude (CODAF) sur les QPV des pĂ©riphĂ©ries urbaines et des centres anciens, pour mener des opĂ©rations conjointes des services publics,  dĂ©manteler les commerces illicites qui nuisent Ă l’activitĂ© des nĂ©goces rĂ©guliers et donc Ă l’emploi commerçant ;
Prévention, sécurité, justice et formation des acteurs publics
Renforcement des moyens de sécurité
- Remettre en place en urgence une police de proximité qui était un outil de médiation sociale, d’information directe du territoire ;
- Renforcer dans les quartiers prioritaires, notamment ceux classĂ©s en Zone de sĂ©curitĂ© prioritaire (ZSP), les effectifs de l’ensemble services de police ;
- Activer des mesures du « choc de simplification » pour minorer le temps consacrĂ© par les policiers et gendarmes Ă des dĂ©marches administratives ;
- DĂ©velopper et adapter aux circonstances les conventions de coopĂ©ration entre les forces de l’ordre de l’État et les polices municipales ;
- Donner aux maires un minimum d’information utile pour les personnes « fichĂ©es S »Â par les services de police, comme pour les retours de la justice quant aux procĂ©dures et peines prononcĂ©es ;
Renforcement des moyens de justice, de prévention, de formation et de coordination
- Renforcer les ressources humaines et moyens logistiques des juridictions ayant Ă couvrir les quartiers prioritaires ;
- Renforcer les ressources humaines et moyens logistiques des services de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), des services pĂ©nitentiaires, y compris ceux d’aumĂ´nerie, notamment du culte musulman, mais aussi d’insertion et de probation (SPIP) et des services agissant sous mandat de la justice des mineurs pour l’action Ă©ducative en milieu ouvert (AEMO) ;
- Conduire, en impliquant des personnels judiciaires des actions publiques, scolaires et associatives, sur le rĂ´le de la justice, les droits et devoirs, les risques encourus en cas de non-respect ;
- Revoir et renforcer le rôle des Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) en matière de prévention des dérives fondamentalistes ;
- Placer sous l’autoritĂ© rĂ©galienne de l’État la mission de prĂ©vention spĂ©cialisĂ©e de la dĂ©linquance qui relève aujourd’hui de l’Aide sociale Ă l’enfance (ASE), afin de rĂ©pondre Ă la diminution des moyens des Ă©quipes d’Ă©ducateurs de prĂ©vention de rue ;
Formation Ă la laĂŻcitĂ©, aux valeurs de la RĂ©publique et Ă l’identification des processus de radicalisation
- Sensibiliser et former les agents des 3 fonctions publiques, les responsables et personnels des associations, et plus gĂ©nĂ©ralement les opĂ©rateurs publics en relation avec les habitants des quartiers prioritaires, ainsi que dĂ©velopper la formation de formateurs de l’État jusqu’aux acteurs locaux via notamment le CNFPT, le CNDS, les rĂ©seaux d’éducation populaire ;
- Soutenir les initiatives de dialogue et de rencontre entre les cultes, comme moyen de connaissance et reconnaissance mutuelles, de prévention, et de relais ;
- Soutenir l’Ă©laboration de plans territoriaux de lutte contre le racisme, l’antisĂ©mitisme et les discriminations qui associent les acteurs de l’emploi, de l’insertion, de l’action sociale, du logement, de l’éducation, de la santĂ© et des services au public.