Exaspération, indignation et inquiétude. Ce sont aujourd’hui les mots des maires de France. Parce qu’ils croient encore en la République et en ses principes, ils ne veulent pas en ajouter un autre : résignation.
Exaspération devant ce flot ininterrompu de critiques et de sous-entendus, qui viennent salir la gestion locale et condamner la commune. Pourtant, les élus et leurs équipes n’ont-ils pas pris à bras-le-corps la décentralisation en équipant le territoire et en développant le service rendu à leur population ? Et la commune n’est-elle pas ce lieu, reconnu des Français, où se construit le lien social, si nécessaire ?
Indignation face à la stigmatisation des agents publics, à la manipulation qui conduit à faire des fonctionnaires territoriaux – dont 70 % gagnent moins de 1,2 fois le Smic – les boucs émissaires des difficultés du pays. Pendant ce temps, certains, issus de la haute administration centrale, « pantouflent » dans des postes grassement rémunérés du privé ou de la politique.
Indignation aussi face à un pouvoir central qui remet en cause sa parole, en décidant de ne plus honorer ses engagements à l’égard des collectivités locales auxquelles il demande pourtant toujours plus : plus d’argent pour financer ses propres politiques, plus de services pour les habitants, plus de solidarité et de sécurité puisqu’il n’est plus capable de les assurer lui-même…
Inquiétude face à la lente destruction du modèle français, selon lequel les fonctions collectives de la société sont d’abord assurées par le service public. Si l’on considère ce modèle comme dépassé, qu’on le dise clairement. Mais alors, que l’on ne vienne pas nous parler d’égalité d’accès ou de laïcité à tout bout de champ, car ces fonctions collectives seront très vite accaparées par des organisations d’une tout autre nature que le service public…
Rupture entre le parlement et les élus locaux
Comment en est-on arrivé là ? Incapacité « culturelle » au dialogue, système institutionnel et quasi monarchique dépassé, incompréhension profonde de la réalité économique et sociale, absence totale de « confiance ». Ces défauts sont, de longue date, ceux de notre peuple, qui ne parvient pas à les dominer. Pire, il les entretient.
Ainsi, la prochaine interdiction du cumul des mandats, en 2017, verra s’installer une rupture entre un Parlement encore plus coupé des réalités et entièrement asservi aux partis politiques d’une part, et des élus locaux éloignés des partis et défendant leur territoire. Ce qui ne pose pas de difficulté dans un pays très décentralisé ou fédéral – où la règle est fixée d’abord localement – sera insupportable dans un pays resté centralisé comme le nôtre, où la loi générale va jusqu’aux moindres détails et où les adaptations locales du droit sont, de fait, proscrites.
Faut-il en déduire qu’il convient de renoncer à la règle du non-cumul ? Certainement pas. Au contraire, il nous faut faire un immense effort collectif pour repenser profondément tout le système institutionnel et de gouvernance du pays, accroître la responsabilité publique à tous les niveaux, renouer avec la confiance et le partenariat entre les pouvoirs, répartir autrement les ressources fiscales. Tout un programme et un espoir pour 2017 !
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