À l’approche du festival d’Avignon, le ministère de la Culture chercherait-il à arrondir les angles ? Dans une lettre adressée le 9 juin à trois fédérations CGT- SNAM (1), FNSAC (2) et FSP (3), à la veille de leur appel national à la grève dans les conservatoires, Fleur Pellerin a annoncé vouloir « réengager l’État » auprès de ces derniers et « travailler sur cette question dans le cadre du budget 2016 ».
L’arrêt brutal, par la loi de finances pour 2015, des subventions étatiques aux quelque 150 conservatoires à rayonnement départemental et régional, certes modestes (6,8 % de leur budget en moyenne), mais cruciales en cette période de disette budgétaires, avait été vécu comme un véritable désaveu par le monde musical et par les syndicats. Le gouvernement avait tenté un premier retour en arrière en essayant de régler la question grâce aux pactes culturels mis en place avec les collectivités locales dans le contexte plus global de la baisse de leurs dotations. Mais Fleur Pellerin a rapidement dû reconnaître que ce n’était pas suffisant.
Situation critique dans certains établissements
Les plus touchés sont les petits conservatoires, n’ayant ni la réputation d’établissements prestigieux ni la chance d’être adossés à une commune riche. À Châteauroux (Indre), par exemple, le maire a annoncé une coupe de 20 % dans le budget du conservatoire ; six professeurs contractuels ont été remerciés, ce qui aboutira à des fermetures de classes comme le tuba, l’accordéon diatonique ou le hip-hop.
De fortes hausses des tarifs sont attendues, notamment pour les élèves résidant hors de la commune, comme cela s’est produit à Évreux (Eure) où ils vont presque doubler à la rentrée 2015 pour les élèves non-résidents. Car si le rayonnement de ces conservatoires est labellisé par l’État comme « régional » ou « départemental », ce sont les communes ou les intercommunalités qui assument la quasi-intégralité du budget.
Enseignement musical vs éducation culturelle
Là où le bât blesse, c’est que les coupes budgétaires décidées par les villes devraient porter sur les actions de sensibilisation et d’éducation culturelle, thématique à laquelle le gouvernement veut réaffecter les crédits retirés aux conservatoires, ces derniers étant jugés trop conservateurs. « On nous critique pour notre élitisme, notre incapacité à nous ouvrir. Ce discours est mal perçu par ceux qui ont œuvré depuis des années à cette même ouverture au grand public, à la diversification de l’enseignement : ils ont l’impression qu’on s’est arrêté sur une image figée des conservatoires, sans se rendre compte que beaucoup avaient évolué », observe Jean-Mar Kipfer, président de Conservatoires de France, une association qui rassemble environ deux cents établissements.
« Le gouvernement veut plus d’ouverture, nous le voulons aussi ! Mais pour ça il faut plus de moyens et embaucher des professeurs, or il fait le contraire », critique un professeur de piano d’un conservatoire parisien. Nombre d’enseignants s’opposent au remplacement progressif du travail individuel des instruments, très coûteux, par des cours collectifs et autres actions du type « orchestre à l’école », déjà menées par les conservatoires.
Quel retour pour l’Etat ?
Le « réengagement » de l’État se ferait notamment sur la base de projets d’établissement. « Quels sont ces projets, comment et par qui seront-ils validés, sur quelles bases ? On ne sait pas bien encore », explique Jean-Marcel Kipfer, qui voit quand même dans l’annonce un « signal positif ».
« Autrement dit, on passe d’une dotation de fonctionnement à une contractualisation. Le ministère parle de moyens constants, mais à quoi correspondent-ils ? Aux 30 millions versés en 2007 ou aux 15 millions de 2014 ? », questionne pour sa part Marc Sureau, professeur au conservatoire de musique de Béziers et secrétaire de la section CGT de la communauté d’agglomération.
Les élus à la recherche d’un diagnostic partagé
La Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) annonce vouloir lancer un groupe de travail avec le ministère, les conservatoires et les associations de parents pour établir un diagnostic. « Il faut prendre en compte la démocratisation des établissements qui s’est faite avec l’encouragement très fort des collectivités », affirme Florian Salazar-Martin, maire-adjoint (PC) de Martigues (Bouches-du-Rhône) et président de la FNCC.
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