Un consensus se dégage dans le débat public sur la nécessité de diversifier les profils dans la fonction publique en recrutant notamment des professionnels issus du secteur privé : qu’il s’agisse de Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat et à la simplification, de Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective ou, dans les colonnes de « La Gazette », de Philippe Laurent, président du CSFPT, appelant à « relever le défi majeur de l’attractivité de la fonction publique territoriale pour les cadres dirigeants ».
Alors que le recours aux contractuels et aux consultants se développe progressivement, il nous a semblé important d’intervenir dans ce débat pour rappeler et souligner la pertinence du troisième concours comme première voie de diversification du recrutement des fonctionnaires territoriaux.
Trop faible représentativité du 3è concours
Créé par décret en mai 2002, le troisième concours d’administrateur territorial est ouvert, pour 10 % au plus des postes à pourvoir, à des candidats sur la base de l’expérience acquise pendant huit ans au moins, sur des fonctions d’encadrement, de conception et de responsabilité, en dehors de la fonction publique. La très faible représentativité de cette voie de recrutement (60 en dix ans) est accrue par le fait que certains lauréats présentent des profils proches de l’administration (assistants parlementaires, contractuels, sécurité sociale).
Spécialistes du marketing, ingénieurs, chefs d’entreprise, consultants, responsables associatifs, élus, 60 administrateurs territoriaux ont ainsi intégré la FPT par ce biais depuis la promotion Vercors en 2004. Ils exercent désormais leurs fonctions dans tout l’éventail des métiers offert par les collectivités territoriales : direction générale, finances, ressources humaines, politiques sociales, développement économique, culture, etc. S’engager pour le service public local en devenant administrateur territorial suppose un parcours de reconversion professionnelle de plusieurs années. Cela implique un engagement intellectuel, personnel, financier et familial important, de la préparation des épreuves au cursus de dix-huit mois alternant formation à l’Inet, à Strasbourg et stages en collectivités. C’est aussi une véritable prise de risque professionnelle posant la question de la perception des recruteurs face à des profils encore considérés, hélas, comme atypiques.
Double culture, publique et privée
La recherche de sens au travail est au cœur d’une telle démarche : œuvrer dans un univers stimulant, ouvert au débat et à la créativité ; exercer une activité ayant un impact direct sur la vie de ses concitoyens, sur celle d’un territoire, avec une vision de long terme, constituent des motivations fortes. La variété et l’intérêt des métiers publics, la possibilité de construire sa carrière interviennent aussi dans ce choix.
Pour les administrateurs territoriaux issus du troisième concours, cet engagement est aussi celui d’une véritable hybridation personnelle, avec l’acquisition progressive d’une double culture publique et privée grâce à la formation à l’Inet. La diversité s’inscrit davantage au niveau du parcours individuel lui-même que de la diversification d’une équipe faisant appel à un recrutement de cadres issus du privé.
Cette spécificité fait la richesse de cette voie de recrutement. Le débat sur l’enrichissement des profils repose largement sur l’idée d’une convergence marquée entre pratiques managériales issues des secteurs public et privé. La connaissance de ces deux univers se traduit par une agilité dans le recours à des outils et des méthodes plus banalisés dans le privé. Elle permet aussi de porter un regard neuf sur le fonctionnement des administrations publiques, tout en en ayant assimilé les codes grâce à la formation à l’Inet, ce qui est source de créativité et d’innovation.
Le bénéfice de la différence culturelle permet ainsi un recul et une interrogation forte sur la juste utilisation de ces outils et méthodes, ce qui est fondamental pour réaffirmer les éléments de différenciation positive du secteur public local, constitutif de son identité.
2015 marque les 25 ans du troisième concours dans la fonction publique. Le colloque « La diversification des profils dans la haute fonction publique » organisé à l’ENA, le 2 avril, sera l’occasion de réaffirmer la place et l’attractivité du troisième concours au regard de cet enjeu.
Les signataires
Les signataires de cette tribune s’expriment en leur nom personnel et non au titre de leur fonction.
- Charles Chaillou, directeur général délégué des ressources humaines, région Centre-Val de Loire ;
- Gaëlle Galand, élève administrateur promotion Vaclav-Havel ;
- Géraldine Hakim, directrice de la délégation régionale Rhône-Alpes Lyon du CNFPT ;
- Carol Knoll, administratrice en détachement à la Mutualité française, auteure de « Fonctionnaires, et alors ? » ;
- Gildas Laeron, chargé de mission auprès du DGS, Grenoble-Alpes métropole ;
- Antoine le Roux, DGA « Ressources et moyens », conseil général de Savoie ;
- Patrick Lods, premier conseiller, chambre régionale des comptes de Bretagne ;
- Guillaume Marion, administrateur territorial promotion Simone-de-Beauvoir, en recherche de poste ;
- Karen Nielsen, administratrice territoriale promotion Simone-de-Beauvoir, en recherche de poste ;
- Nicolas Pruvost, délégué général, conseil économique social et environnemental, région Rhône-Alpes ;
- Yannick Scalzotto, directeur adjoint des rh, conseil général du Val-de-Marne ;
- Isabelle Veron, DGA « Droit et citoyenneté », ville de Bagneux ;
- Julien Weyer, directeur adjoint de la direction des partenariats internationaux et régionaux, région Nord-pas-de-Calais.