A l’appel de la FSU et de la CGT, entre 150 et 200 travailleurs sociaux de la Haute-Vienne ont installé leur campement sur le parking de l’hôtel du département à Limoges ce lundi 24 novembre. Vivres, tentes et sacs de couchage : ils entendent tenir la position jusqu’à l’abrogation d’une délibération prise par la majorité socialiste le 6 octobre, qui réduit et modifie les conditions d’attribution du « contrat jeune majeur ».
Ce dispositif, qu’ils jugent capital puisqu’il permet d’accompagner au-delà de leurs 18 ans des enfants au parcours particulièrement heurté, proposait aux jeunes passés par l’aide sociale à l’enfance (ASE) de bénéficier d’un arsenal complet comprenant hébergement, formation et accompagnement pour six mois reconductibles après leur majorité. « Il y avait  des critères clairs et transparents, le jeune qui souhaitait le demander devait monter un dossier très étayé faisant la démonstration d’un projet de vie solide. Dossier qu’il défendait ensuite devant une commission », rappelle Jenifer Bartholomew, travailleuse sociale, et secrétaire de la section FSU, majoritaire au sein de cette collectivité. « Nous sommes révoltés par cette délibération aussi inique qu’inhumaine. Désormais, pour pouvoir seulement y prétendre, un jeune devra justifier de trois ans continus de prise en charge par l’ASE. Faut-il rappeler que ces enfants, quel que soit leur parcours et la durée de leur placement ont fait l’objet d’un retrait à leurs parents, ce qui signe un départ dans la vie déjà chaotique. C’est pour eux que nous sommes là » explique Solène Gauthier, assistante sociale.
Marginalisation – Les grĂ©vistes, qui se disent autant « indignĂ©s, que dĂ©terminĂ©s » entendent se relayer sur le campement aussi longtemps que nĂ©cessaire. Ils ont Ă©tĂ© reçus lundi après-midi par le cabinet du prĂ©fet de la Haute-Vienne. « Nous avons attirĂ© l’attention de la prĂ©fecture sur deux points, prĂ©cise Jenifer Bartholomew. D’abord sur la lĂ©gitimitĂ© et la lĂ©galitĂ© d’une dĂ©libĂ©ration qui introduit un critère discriminatoire dans un dispositif lĂ©gal, en l’occurrence justifier de trois ans de prise en charge par l’ASE ; et ensuite sur le fait que les jeunes qui ne pourront plus en bĂ©nĂ©ficier, soit d’après nos calculs 15 % des 80 jeunes qui s’y trouvent actuellement, seront de fait marginalisĂ©s, et retrouveront très naturellement des circuits d’urgence, comme ceux de l’hĂ©bergement qui relèvent de l’État, et dont tout le monde sait qu’ils sont en tension. »
« Tension budgĂ©taire » – De tension il est aussi question du cĂ´tĂ© du conseil gĂ©nĂ©ral qui invoque « la tension budgĂ©taire », tout en dĂ©fendant la dimension « politique » de la dĂ©libĂ©ration. « Dans un contexte Ă©conomique extrĂŞmement contraint, il n’est pas question d’abandonner des jeunes, mais de réévaluer la critĂ©risation d’accès Ă ce dispositif facultatif, que beaucoup de collectivitĂ©s ne proposent mĂŞme pas », explique Franck Perrachon, directeur gĂ©nĂ©ral adjoint. Selon lui, « le conseil gĂ©nĂ©ral dĂ©fend une politique sociale forte avec près de 78 % de son budget, hors personnel, consacrĂ© Ă l’action sociale, et ne peut ĂŞtre accusĂ© de tourner le dos Ă ses principes. D’ailleurs, la prĂ©sidente, Marie-Françoise Perol-Dumont, a insistĂ© sur le fait qu’elle ferait des dĂ©rogations dans les cas qui pourraient relever de l’urgence. Le reste des jeunes sera rĂ©orientĂ© vers des dispositifs de droit commun en cohĂ©rence avec la rĂ©alitĂ© de leur situation et de leur parcours tel que l’aide au logement, le RSA, les bourses d’études. »
Cas par cas « actĂ© nulle part » – Argument que rĂ©futent fermement les grĂ©vistes pour qui « le cas par cas a Ă©tĂ© Ă©voquĂ© verbalement et n’est actĂ© nulle part. Par ailleurs, il relève par nature du pouvoir discrĂ©tionnaire de la prĂ©sidente. C’est-Ă -dire moins de justice et moins de transparence », estime Jenifer Bartholomew. Sur la dimension politique de sa dĂ©marche, le conseil gĂ©nĂ©ral revendique une prise de position forte des « Ă©lus qui souhaitent faire face Ă leurs responsabilitĂ©s.»
« Actuellement la parole politique est souvent attaquée et remise en cause par certains courants qui prospèrent sur un discours selon lequel les collectivités seraient dispendieuses et signeraient des chèques en blanc sans contrôle. Il a semblé utile aux élus départementaux de refaire de l’attribution de cette aide facultative un dossier politique et de ne plus l’abandonner aux seuls techniciens que sont les agents », précise Jean-Marc Courbarien, directeur de cabinet de la présidente. Sur le relief politique de la démarche, les grévistes sont d’accord. « Oui, il a une vraie prise de position politique qui dit en substance que les enfants en souffrance sont moins importants que les infrastructures, où parallèlement les investissements ne baissent pas », note Céline, une manifestante.
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