Réduire les concours de l’Etat aux collectivités locales de 11 milliards d’euros d’ici à 2017 est-il justifié ?
L’Etat fait preuve d’un certain cynisme et j’ai d’autant plus de légitimité à l’affirmer que j’ai soutenu la baisse des dotations de 1,5 milliard en 2014 et en 2015. Il était envisageable de poursuivre le même effort en 2016 et en 2017. Mais 11 milliards c’est trop ; ce n’est ni équitable, ni soutenable.
Il est injuste d’imputer aux collectivités 22 % des 50 milliards d’euros de réduction des dépenses publiques, alors que leur part dans la dépense publique totale est bien inférieure. Je note aussi que les économies sont calculées en tendance, c’est-à-dire en réduction d’une hausse spontanée pour l’Etat et les comptes sociaux, alors qu’elles vont l’être en valeur nette pour les collectivités locales.
Les collectivités vont-elles pourvoir absorber cette baisse ?
Ces 11 milliards sont tellement violents qu’il faut en contrepartie laisser tranquilles les élus locaux sur tout le reste, leur faire confiance, supprimer les normes et les contraintes. Donc hors de question de leur imposer les rythmes scolaires ou des lois inapplicables à l’instar de la loi Duflot sur les logements sociaux.
Ajouter en plus de la péréquation qui trop souvent organise des transferts financiers entre territoires bien gérés et mal gérés devient insupportable. Et je passe sur les pénalités et sanctions diverses et variées infligées au nom de politiques nationales punitives et inefficaces !
Qu’entendez-vous par là ?
Les sanctions tomberont par exemple sur les communes dont le taux de logement social n’atteint pas 25 % ou sur les collectivités d’Ile-de-France au titre de mécanismes de péréquation qui surpondèrent le revenu des habitants sans prendre en compte le coût du logement.
Je redoute que le cumul des mesures engendre des situations impossibles et que des villes se retrouvent en quasi faillite.
La baisse des dotations de 1,5 milliard en 2014 correspond pour Le Perreux-sur-Marne à une réduction des recettes de 150 000 euros. Sachant que l’augmentation de 1 % des impôts locaux rapporte 170 000 euros, on voit bien qu’en ajoutant les pénalités SRU, la péréquation, le coût des rythmes scolaires, soit au total 7 à 800 000 euros, cela ne passe pas.
Et pourtant, la gestion de la ville est vertueuse puisque la dépense par habitant y est d’un tiers inférieure à la moyenne.
Faut-il redonner aux collectivités plus de pouvoir sur la fiscalité ?
Non, je ne suis pas partisan de redonner des pouvoirs de taux aux élus parce que, depuis 50 ans, l’Etat est venu au secours des collectivités qui augmentaient les impôts de façon excessive. L’Etat n’aurait pas à apporter plus de 50 milliards d’euros de dotations aux collectivités s’il ne s’était pas interposé pour alléger la facture fiscale d’entreprises ou de ménages accablés par les impôts locaux.
Mais le modèle n’est plus soutenable aujourd’hui car l’Etat est au bord de la faillite. Toutefois, je suis conscient que beaucoup d’élus locaux n’auront d’autre choix que d’augmenter les impôts, moins d’ailleurs sur les entreprises comme ils l’ont fait pendant des décennies, mais sur les ménages, car c’est là que subsistent les pouvoirs de taux.
Comment ralentir l’évolution de la dépense publique locale qui ne cesse d’augmenter ?
Certes, la dépense locale a été objectivement beaucoup trop dynamique au cours des 20 dernières années. Cela a été rendu possible grâce à la vigueur des recettes alimentées par la complaisance de l’Etat volant au secours du contribuable local par le biais des dégrèvements et exonérations.
Entre 1990 et 2010, le nombre d’agents publics locaux a progressé de 35 000 en moyenne annuelle, soit + 700 000 agents en 20 ans. 2 méthodes permettent de ralentir l’évolution de la dépense locale :
- l’encadrer comme dans certains pays en fixant des fourchettes à ne pas dépasser, ce qui n’est pas possible en France du fait de la libre administration des collectivités locales ;
- réduire le débit des ressources en baissant des dotations et en enlevant aux élus locaux le pouvoir de taux. Il reste une ligne de fuite, les emprunts, car les collectivités pourront s’endetter.
Faut-il encadrer cet endettement ?
Depuis la fin des années 50, l’endettement des collectivités est resté en deçà des 10 % du PIB, c’est-à-dire qu’il a accompagné strictement la croissance. Les collectivités ne peuvent qu’être vertueuses puisque s’applique la règle d’or : on ne peut emprunter que pour investir. Les recettes de fonctionnement doivent couvrir les dépenses de fonctionnement et le remboursement en capital de la dette.
Alors que les recettes de fonctionnement de l’Etat ne couvrent même pas les intérêts de la dette et que pour rembourser le capital de la dette, il doit emprunter !
Mais je pense que le règlement de la question des emprunts toxiques doit engager la responsabilité des signataires de ces emprunts – collectivités et banquiers – de préférence à la solidarité nationale.
Quelles dépenses réduire pour supporter la baisse des dotations de 11 milliards d’euros ?
Il faut mettre l’accent sur les mutualisations et aller beaucoup plus loin que ce que nous avons fait jusqu’à présent. Toutefois, les économies seront d’autant plus difficiles à réaliser que les communes auront un niveau de dépenses déjà réduit.
J’espère que les mécanismes de péréquation prendront en compte cet aspect et que les transferts n’iront pas en priorité à ceux qui dépensent le plus.
La création du Grand Paris sera-t-il un facteur d’économies ?
Non, au contraire, il faut en attendre des coûts énormes avec une assemblée de 250 personnes, des dizaines de vice-présidents et une inefficacité certaine. Notre communauté d’agglomération de la Vallée de la Marne sera ainsi supprimée au 31 décembre 2015 et toutes ses compétences transférées au Grand Paris, qui va probablement siéger au cœur de la capitale.
Ce qui implique que pour changer une ampoule d’un réverbère sur les bords de Marne, il faudra s’adresser à un agent situé en plein Paris. Cette organisation est vouée à l’échec.
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