Les juridictions administratives de Rennes et de Nantes viennent de reconnaître le bien- fondé des requêtes de plusieurs collectivités et associations qui mettent en cause l’Etat dans le phénomène des marées vertes. Ces jugements interviennent quelques jours avant de nouvelles audiences aux enjeux pécuniaires élevés.
« Erreur manifeste » – Dans sa dĂ©cision 10003774, prise Ă la demande du Conseil gĂ©nĂ©ral des CĂ´tes-d’Armor, le juge administratif a suivi les recommandations de l’INRA et du comitĂ© scientifique du dispositif de lutte contre les marĂ©es vertes, Ă savoir que « la rĂ©duction des prolifĂ©rations algales suppose d’atteindre des taux de nitrates compris entre 10 et 25 mg/l dans les cours d’eau. (…) Le plan d’action doit donc intĂ©grer ce niveau d’ambition extrĂŞmement Ă©levĂ© pour avoir une chance de succès notable ».
Le tribunal a considéré que le préfet des Côtes-d’Armor avait « commis une erreur manifeste en sous-estimant [les mesures à prendre pour lutter contre les excès de nitrates d’origine agricole] » et qu’il aurait dû prendre des « mesures de contraintes accrues, que le Code de l’environnement lui donne la possibilité de prendre ».
Par ailleurs, le tribunal a étayé ses décisions prises à la demande de l’association Eau et rivières de Bretagne, sur la demande d’information de la Commission Européenne au sujet du plan algues vertes.
Les syndicats agricoles finistĂ©riens dĂ©boutĂ©s – Parmi les dĂ©cisions du TA de Rennes, deux concernent des requĂŞtes portĂ©es par la FDSEA et le CDJA du Finistère. Ces syndicats demandaient Ă©galement l’annulation de l’arrĂŞtĂ© prĂ©fectoral finistĂ©rien concernant l’épandage des effluents agricoles, mais pour des raisons inverses aux associations et au dĂ©partement des CĂ´tes-d’Armor. Les agriculteurs estiment que la rĂ©glementation empĂŞche l’extension et la modification des exploitations situĂ©es en zones d’excĂ©dent structurel. ConsidĂ©rant que « ces mesures, Ă©dictĂ©es dans un but d’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral, ne sont pas disproportionnĂ©es au but de protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole », le juge a donc rejetĂ© leurs requĂŞtes.
123 000 euros Ă la charge de l’Etat – D’autre part, la Cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 22 mars, quatre dĂ©cisions obligeant l’Etat Ă rembourser l’intĂ©gralitĂ© des frais de ramassage des algues Ă©chouĂ©es en 2010, dans quatre communes de la baie de Lannion (CĂ´tes-d’Armor), pour une somme globale de 123 000 euros. La Cour y estime que « les carences de l’Etat dans la mise en oeuvre de la rĂ©glementation europĂ©enne et nationale destinĂ©e Ă protĂ©ger les eaux de toute pollution d’origine agricole sont Ă©tablies ; que ces carences sont constitutives d’une faute de nature Ă engager sa responsabilitĂ© ». Dans l’attente de prochaine dĂ©cisions du TA de Rennes concernant les frais de ramassage des algues en 2011 et 2012, le prĂ©sident de Lannion-TrĂ©gor AgglomĂ©ration, JoĂ«l Le Jeune, se veut « prudent » et espère une dĂ©cision favorable Ă la collectivitĂ©. « Les communes littorales ne sont pas responsables des pollutions agricoles, mais les victimes, » dĂ©clare-t-il.
CoĂ»teuses demandes en rĂ©paration – Au mois d’avril, le TA de Rennes devrait statuer sur d’autres requĂŞtes des collectivitĂ©s. Lannion-TrĂ©gor AgglomĂ©ration demande le remboursement de l’intĂ©gralitĂ© des frais de ramassage d’algues en 2011 et 2012. Saint-Brieuc AgglomĂ©ration rĂ©clame celui des frais de ramassage et de traitement des algues, ainsi qu’une indemnisation d’1,5 millions d’euros pour prĂ©judice d’image.
Le conseil général des Côtes-d’Armor, qui réserve ses commentaires sur les présentes décisions de justice, a également engagé un recours en contentieux portant sur les aides que le département a versé, de 1977 à 2010, aux communes concernées par les échouages d’algues, pour une somme globale de 11 millions d’euros, ainsi que sur le préjudice porté à son industrie touristique.
Judiciarisation vs. consensus – Dans un communiquĂ© du 4 avril, Thierry Burlot, vice-prĂ©sident du conseil rĂ©gional de Bretagne en charge de l’environnement et de la politique territoriale fait savoir qu’il regrette la judiciarisation de ce dossier. « Ce n’est pas l’accumulation de procĂ©dures en justice qui pourra faire progresser le consensus breton, dĂ©clare-t-il, sans manquer de rappeler la demande de la collectivitĂ© d’assumer la politique de l’eau sur son territoire. (…) Notre mĂ©thode consiste Ă rassembler autour d’une mĂŞme table Etat, collectivitĂ©s, agriculteurs et associations environnementalistes. Certains trouvent que l’on en fait trop, d’autres pas assez, mais, pour le moins, les uns et les autres discutent, proposent, dĂ©cident et choisissent la voie du dialogue et de la co-construction. Et sur chaque territoire, des solutions innovantes sont trouvĂ©es en fonction du contexte local. »
Références
- Décision du TA concernant le Conseil général des Côtes-d’Armor
- Décision du TA concernant l’Association Eau et rivières
- Décision de la CAA concernant la commune de Treduder
- Décision de la CAA concernant la commune de Saint-Michel-en-Grèves
- Décision de la CAA concernant la commune de Plestin-les-Grèves
- Décision de la CAA concernant la commune de Tredrez-Lokemo
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