Le taux de rendement des réseaux d’eau potable (76 % au plan national, soit 24 % de fuite) ne vous semble pas alarmant. Pourquoi ?
Car la carte de France des rendements de réseaux est rassurante : la performance est bonne là où la ressource est rare et chère, dépassant ainsi 80 % dans le Grand Ouest et culminant en Vendée, également confrontée à des tensions entre différents usagers de l’eau. L’ensemble du Massif Armoricain est pauvre en ressources souterraines exploitables et la quasi-totalité de l’eau consommée, issue de prélèvements en rivière, y subit des traitements de potabilisation poussés. Dans ces services où le coût de production est élevé, la « rentabilité économique » de la lutte contre les fuites l’est également. Les gestionnaires ajustent leur effort à la réalité économique et environnementale de leur territoire.
Est-ce à dire que, quand l’eau est abondante et de qualité, les fuites sont sans importance ?
A tout le moins, disons que l’approche jacobine sied mal à la diversité des profils. Dans des situations hydrologiques favorables – généralement associées au prélèvement d’eaux souterraines -, où les coûts de production sont faibles et l’eau abondante, le rendement du réseau est globalement inférieur à la moyenne. Mais faut-il vraiment investir dans son renforcement quand il n’y a pas de tension sur la ressource et que l’eau est bon marché? Quelle serait l’utilité d’une telle dépense à Périgueux par exemple, où une source karstique d’excellente qualité couvre quatre fois les besoins de la ville ? Fixer a priori un même niveau de performance pour tous les services est stupide. Faisons confiance aux territoires.
Les 85 % de rendement, visés par la loi « Grenelle 2 » de juillet 2010 (art. 161), sont donc excessifs ?
Il y aurait un énorme gâchis d’argent public si le texte devait être respecté à la lettre. Ce qui ne sera vraisemblablement pas le cas. Face à une réglementation monolithique, il y a fort à parier que le bons sens local et les lois de l’économie conduiront à faire la part des choses. Les services d’eau pour lesquels la lutte contre les fuites est économiquement justifiée ont déjà porté à haut niveau la performance de leur réseau. Ceux qui n’en ont pas la nécessité n’engageront pas de dépenses inutiles.
Cet article est en relation avec le dossier
Thèmes abordés