Un impact de marée mal apprécié, une intervention aérienne tardive en Vendée, une action des pompiers ralentie dans le Var par l’inondation de la caserne, des plans Orsec non actualisés par l’Etat, un plan communal de sauvegarde inexistant à la Faute-sur-Mer … Le rapport de la Cour des comptes sur «les enseignements des inondations de 2010 sur le littoral atlantique (Xynthia) et dans le Var », publié le 5 juillet 2012, égrène les défaillances en matière de prévision, d’alerte, de secours et de planification.
Lacunes du contrôle de légalité – Mais c’est l’urbanisme qui concentre l’essentiel des critiques : des maires ont pris des « décisions illégales », vis-à-vis desquelles « l’Etat a souvent fait preuve de faiblesse », pointe le premier président, Didier Migaud. Le conseiller maître Cyrille Schott évoque une « irresponsabilité collective », allant de « la fièvre de construire » au manque de « pilotage à l’échelon central ». Les documents d’urbanisme en vigueur dans les communes à l’époque des faits étaient «généralement « des plans d’occupation des sols obsolètes et peu contraignants » et l’évolution vers des plans locaux d’urbanisme demeure insuffisante, relève Didier Migaud. Face aux oppositions locales que suscitent encore les plans de prévention des risques « inondation », « la volonté préfectorale doit s’affirmer », poursuit-il.
Rachats précipités – Ces catastrophes ont engendré une dépense publique (Etat, fonds de prévention des risques majeurs et collectivités) de 658 millions d’euros (457 M€ en Vendée et Charente-Maritime et 201 M€ pour le Var). C’est «le coût des négligences passées voire des irrégularités constatées en matière d’urbanisme », note Didier Migaud. Sur le littoral atlantique, l’Etat a acquis des biens pour 316 millions d’euros, dans une optique s’apparentant à un « repli stratégique » : détruire les constructions dans les zones les plus dangereuses, où leur protection aurait été trop coûteuse. Une politique menée avec quelque précipitation : 84 millions d’euros ont été dépensés « inutilement » pour quelque 150 maisons qui n’étaient pas gravement menacées. « Une véritable politique cohérente en matière de rachat de maisons reste à définir pour l’ensemble des zones dangereuses du littoral français », estime Didier Migaud.
Digues : une réglementation obsolète, un pilotage inexistant
La situation des ouvrages de protection contre la mer, « très inquiétante à la veille » de la survenue de Xynthia « l’est en partie demeurée depuis », selon Didier Migaud. Les digues sont en effet détenues par une foultitude de propriétaires privés, rarement en mesure d’en financer l’entretien. Identifier les gestionnaires est tout aussi compliqué : « en Charente-Maritime, il n’a pas été possible de le faire pour 95 % du linéaire », indique le premier président de la Cour des comptes. Dans le Sud de la Vendée, « sept propriétaires de statut divers ont été identifiés ainsi que cinq gestionnaires », poursuit-il.
A cette dilution des responsabilités locales, s’ajoute l’insuffisant financement de l’Etat : toujours dans le Sud Vendée, sa subvention a été inférieure de trois à quatre fois aux besoins dans la décennie précédent la catastrophe, selon la Cour. Depuis, le financement « a retrouvé un niveau adéquat », indique Didier Migaud : « En Charente-Maritime, l’Etat a engagé près de 20 millions d’euros depuis 2010, soit deux fois plus en un an qu’au cours des dix années précédentes. Dans les années à venir, le plan ’digues’ prévoit d’augmenter encore substantiellement cet effort. »
La gestion des digues relève de textes anciens, doit une loi de 1807 relative à l’assèchement des marais, conçue dans une perspective de développement agricole qui rend les riverains responsables de la protection contre les inondations. « C’est dire si ce cadre est devenu inadapté aux enjeux présents et appelle des évolutions législatives et réglementaires », commente Didier Migaud. La Cour évoque la solution d’un service public communal ou intercommunal qui prendrait le relais d’une « protection individuelle et morcelée des ouvrages ».
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