Il faudrait entre 120 000 et 150 000 logements sociaux nouveaux chaque année pour tenter de rattraper le retard accumulé. Si l’objectif fait quasiment consensus chez les principaux candidats à l’élection présidentielle, les modalités pour l’atteindre sont, en revanche, peu détaillées.
Le montage financier des opérations HLM repose aujourd’hui sur une combinaison d’emprunts à taux réduit sur le fonds de réserve du livret A, de fonds propres des organismes HLM, d’aides fiscales et de subventions.
Mais ce modèle est en difficulté car il s’avère difficile de faire bouger l’une des variables de l’équation : « Le coût de production du logement social ne cesse de progresser, alors que les ressources sont stables, voire diminuent », résume Dominique Dujols, directrice des relations institutionnelles de l’Union sociale pour l’habitat (USH). Cette hausse provient essentiellement de l’augmentation du coût de la construction, de l’envolée des prix du foncier et de la multiplication des normes.
Le rôle de l’Etat en débat – De son côté, l’Etat a baissé le niveau de ses subventions, de même que les partenaires sociaux d’Action logement (ex-1 % Logement). Si les collectivités locales, dans la dynamique de la délégation des aides à la pierre, ont massivement investi dans le logement social, « compte tenu de leurs difficultés budgétaires, elles ne pourront pas aller plus loin », reprend Dominique Dujols.
Du côté des organismes HLM, le recours à l’emprunt (73 % du montant des opérations) pèse directement sur les loyers de sortie et ne peut constituer une variable d’ajustement dans les mêmes conditions de taux. Quant aux fonds propres, ils représentent 13 % du montant des opérations. Mais le prélèvement de 240 millions sur les organismes HLM, mis en place par l’Etat en 2010, a aboli toute marge de manœuvre.
Chez les candidats, seul François Hollande (PS), conseillé par Thierry Repentin, actuel président de l’USH, a donné quelques détails sur le financement du logement social. Il s’est prononcé pour le maintien du modèle économique actuel en renforçant la place de l’Etat.
Pour cela, il a annoncé le retour des aides à la pierre, dès 2013, à leur niveau de 2010. Il a également conforté la place du livret A dans le circuit de financement en annonçant sa volonté de doubler son plafond. L’objectif est de faire baisser le coût du crédit d’environ 0,2 % pour les organismes HLM.
Des loyers indexés sur les revenus – En revanche, ni François Bayrou (Modem), ni Eva Joly (EELV), ni Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) n’ont abordé techniquement ces enjeux.
Nicolas Sarkozy (UMP) n’a pas encore dévoilé son projet. Mais pour son ministre du Logement, Benoist Apparu, s’exprimant devant la Fondation Abbé-Pierre, « il faut moduler les loyers en fonction du taux d’effort des ménages ».
L’idée de cette mesure, reprise en février par une note du Centre d’analyse stratégique, est de permettre aux organismes HLM de revoir leur grille de loyers non pas en fonction de la date de construction, mais du revenu des ménages.
Selon Philippe de Mester, directeur de l’Opac du Rhône, « c’est la mort annoncée du logement social : les organismes qui ne logent que des populations modestes ne pourront pas mettre en place de surloyers. L’entretien de leur patrimoine et leur capacité d’investissement seront obérés, faute de ressources. Il faut, au contraire, que les aides personnalisées au logement soient revalorisées pour qu’elles jouent leur rôle de solvabilisation des ménages les plus modestes ».
Parc privé : une fonction sociale à ne pas oublier
La fédération des Pact – réseaux d’associations pour l’amélioration de l’habitat privé à occupation sociale – demande aux candidats à l’élection présidentielle de ne pas oublier la vocation sociale des logements privés : « Deux ménages pauvres sur trois et trois ménages à faibles revenus sur quatre y sont logés […], et près d’un million de propriétaires occupants ne disposent que de très faibles revenus. »
Pour répondre aux défis posés par 600 000 logements indignes, trois millions de logements considérés comme des « passoires thermiques » et 300 000 logements situés dans des copropriétés dégradées, la fédération demande à ce qu’un vaste plan de conventionnement du parc locatif privé soit mis en œuvre avec l’objectif d’un million de logements, en ajustant les aides publiques selon les ressources des occupants.
Références
10 ans de crise du logement : les données pour comprendre : Dossier et application interactive permettant de mesurer et comparer la construction de logement par commune, zone d'emplois, départements et régions.
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Le logement : un enjeu primordial vite oublié
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Sommaire du dossier
- Faut-il encadrer les loyers ?
- Le logement : un enjeu primordial vite oublié
- « Il est possible de sortir du mal-logement d’ici dix ans » – Christophe Robert
- Logement : « Instaurer une culture de la planification » – Vincent Renard, CNRS et IDDRI
- Des candidats peu loquaces à propos des modalités de financement du logement social
Thèmes abordés