La Direction générale de la concurrence de la Commission européenne a averti la France qu’elle attendait une notification précise des réformes à venir sur la libéralisation du livret A, avant de décider ou non de lui accorder un délai pour mettre en oeuvre cette mesure.
Contexte
Une lettre et un avertissement du porte-parole de la Direction générale de la concurrence : voilà comment Bruxelles rappelle Paris à l’ordre au sujet de la réforme du livret A.
La Commission attend dans les plus brefs délais une notification des mesures que la France envisage de prendre afin de libéraliser la distribution du livret A. De celles-ci dépendra l’octroi ou non par la Commission d’un délai supplémentaire pour mettre en oeuvre ces mesures.
Lors d’une visite à Bruxelles au début du mois de février, la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, avait demandé un délai supplémentaire à la commissaire à la Concurrence, Neelie Kroes. La ministre souhaite inclure cette réforme du livret A dans le projet de modernisation de l’économie, qui sera présenté en conseil des ministres en avril.
Si la Commission décide d’engager une procédure d’infraction, la France risque un renvoi devant la Cour européenne de justice, selon une source proche du dossier, interrogée par le quotidien «La Tribune».
Enjeux
Réservé à l’origine à un nombre limité de banques -la Banque postale, la Caisse d’épargne et le Crédit mutuel sous l’appellation livret bleu-, le livret A pourrait être distribué par toutes les banques à l’issue de la réforme.
Ce produit d’épargne défiscalisé, détenu par 46 millions de Français pour un encours de 128 milliards d’euros, permet actuellement à la Caisse des dépôts et consignations- qui récupère l’intégralité de cette épargne- de financer, par des prêts avantageux, 80% du logement social.
Lors de l’annonce des orientations de la réforme du livret A, Christine Lagarde a annoncé sa volonté d’en faire «un pur produit d’épargne». Il est probable, qu’à l’issue de la réforme, le livret A soit profondément modifié. Le débat se concentre sur deux mesures.
1. La fin de la centralisation des fonds du livret A
Parmi les propositions du rapport «Camdessus», la fin de la centralisation des fonds a été retenue par Christine Lagarde. Les craintes se portent donc sur les risques d’assèchement du financement du logement social, puisque la Caisse des dépôts et consignations ne disposerait plus de l’intégralité des fonds des livrets A. Une partie des fonds pourrait être conservée par les banques, afin de les intéresser à la distribution de ce livret.
2. La fixation du taux de commissionnement
La ministre de l’Economie a aussi repris la proposition de fixer le taux de commissionnement à 0,4%, alors que le taux pratiqué par les banques disposant du monopole varie entre 1 et 1,3%. L’idée est de réduire les coûts et de dégager ainsi 1 milliard d’euros. Certains soulignent pourtant le risque que les banques ne diffusent pas bien le livret A, faute d’un intéressement suffisant.
Positions :
Un collectif « Pas touche au livret A » a lancé une pétition « pour le retrait du projet de privatisation du livret A ». Selon le collectif, la réforme « met en cause la sécurité et la stabilité de l’épargne populaire, précarise le financement du logement social [et] menace le principal outil de lutte contre l’exclusion bancaire ».
Dans une tribune pour «Le Monde», la présidente de la Fédération nationale des caisses d’épargne, Nicole Moreau, dénonce une réforme « à la hussarde » sur le livret A. Selon elle, « cette révolution […] si elle devait être conduite sans discernement et sur la base exclusive des vraies fausses bonnes idées de M. Camdessus, viendrait à remettre en cause le caractère fondamental d’intérêt général du livret A ».
L’Union sociale pour l’habitat (USH) « n’est pas fermée à toute réforme de la distribution, ni à de possibles améliorations du système de financement du logement social pour le rendre encore moins coûteux et plus souple,<
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