Durant les mois qui précèdent des élections municipales, les communes et leurs élus sont soumis à des règles contraignantes. C’est par exemple le cas en matière de communication. Mais pas que. La politique de subvention est, elle aussi, à surveiller. Parce que les juges, eux, la surveillent !
Bien sûr, il est possible d’accorder une subvention à une nouvelle association en période électorale. Mais à condition qu’elle s’inscrive dans un cadre existant, et qu’elle soit d’un montant comparable aux pratiques habituelles de la commune. « Si la générosité publique est inédite et conséquente, sans qu’aucun élément extérieur ne permette de la justifier, alors le juge pourra sanctionner », explique Philippe Bluteau, avocat spécialiste en droit public.
Corruption électorale
Notamment en vertu de l’article L. 106 du code électoral, qui interdit l’achat de voix. Précisément, il indique que « quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d’emplois publics ou privés ou d’autres avantages particuliers, faits en vue d’influencer le vote d’un ou de plusieurs électeurs aura obtenu ou tenté d’obtenir leur suffrage, […] sera puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros ».
« Le juge pénal a déjà considéré que la subvention municipale suspecte entre dans ce cadre », constate maître Bluteau. La chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi considéré, dans une décision du 2 septembre 2014, que le dispositif d’aide aux paiements des factures d’eau mis en place par le conseil municipal de Saint-Leu, quelques mois avant les élections municipales de mars 2008, constituait un tel achat de voix en faveur du maire sortant.
« Dans cet arrêt, le juge nous indique qu’une subvention décidée de manière récente, à la fois ample et inhabituelle, peut être vue comme de l’achat de voix, surtout dans les mois qui précèdent des élections municipales. Et d’autant plus si, comme c’était le cas dans cette affaire, l’élu prend soin de beaucoup communiquer sur cette subvention », explique Philippe Bluteau. Pour déterminer si la subvention est délictueuse, le juge compare donc la subvention suspecte aux pratiques traditionnelles de la commune en la matière.
Pour l’avocat, cela veut dire, « en creux », que les communes « peuvent continuer à subventionner les associations, et même à en subventionner de nouvelles, dès lors que les municipalités peuvent démontrer que les aides rentrent dans le cadre de la politique habituelle des subventions ».
Avantage en nature
Il n’y a pas que le juge pénal qui s’intéresse aux subventions douteuses. Le juge administratif, en tant que juge électoral, s’assure que la subvention n’est pas assimilable à un avantage en nature accordée par la ville à la campagne électorale du maire sortant, ce qui est prohibé par l’article L. 52-8 du code électoral.
À titre d’exemple, le Conseil d’État a sanctionné, dans une décision du 13 juin 2016, un candidat aux élections départementales qui, dans la ville dont il était maire, a fait distribuer de manière massive, et à des conditions inhabituelles, des colis de Noël aux seniors par le CCAS dont il assurait la présidence. “Le Conseil d’État a estimé que ces dépenses constituaient un concours financier à la campagne du maire sortant et a donc sanctionné ce dernier d’une peine d’inéligibilité”, note Philippe Bluteau.
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