La démission du Premier ministre Sébastien Lecornu, quelques heures seulement après la nomination de son gouvernement, marque un point de non-retour dans la crise institutionnelle que traverse notre pays. Face à cet effondrement politique sans précédent sous la Ve République, vous incarnez désormais, à la tête de nos assemblées parlementaires, les derniers socles de stabilité de notre République.
C’est donc vers le Parlement que l’on doit se tourner, en tant que maire d’une ville de plus de 30 000 habitants, pour témoigner d’un paradoxe insoutenable : pendant que les institutions nationales s’effondrent, nos communes continuent de fonctionner, de voter leurs budgets, de mener leurs projets. Cette résilience locale face au chaos national n’est pas fortuite. Elle révèle les failles profondes de notre architecture institutionnelle.
Quand le sommet vacille, les fondations tiennent
L’image est saisissante : un Premier ministre qui renonce avant même d’avoir gouverné, une Assemblée nationale fracturée, des majorités introuvables. Et pourtant, dans nos 35 000 communes, la démocratie continue de vivre. Nous votons nos budgets malgré l’incertitude nationale, nous répondons aux attentes de nos concitoyens.
Cette capacité à gouverner localement dans un contexte de paralysie nationale n’est pas un miracle. Elle résulte d’un mode de scrutin et d’une culture politique qui privilégient l’efficacité et la responsabilité. Le scrutin municipal, en garantissant une majorité tout en assurant la représentation des oppositions, crée les conditions d’une gouvernance stable et démocratique.
Yaël Braun Pivet et Gérard Larcher qui président aux destinées de nos assemblées, savent mieux que quiconque l’impasse dans laquelle se trouve notre système parlementaire. Le scrutin uninominal à deux tours, conçu pour une époque de bipolarisation, produit aujourd’hui une fragmentation stérile. Les alliances se font et se défont au gré des ambitions personnelles, les majorités sont introuvables, les gouvernements tombent avant même d’avoir agi.
Des pistes pour rebâtir sur des fondations solides
Dans cette heure grave, il faut ouvrir un débat salvateur. Ces pistes s’inspirent de ce qui fonctionne dans nos territoires, non comme modèle à dupliquer, mais comme source d’inspiration pour repenser nos institutions.
Première piste : reconnecter le Parlement aux réalités territoriales
L’idée d’exiger une expérience en exécutif local pour les futurs parlementaires peut sembler provocante. Elle mérite pourtant réflexion. Comment nos assemblées peuvent-elles légiférer efficacement quand une part croissante de leurs membres n’a jamais géré un budget public, jamais arbitré entre des priorités contradictoires, jamais mesuré l’impact concret des normes votées ?
Cette proposition n’est qu’une option parmi d’autres pour ancrer notre démocratie parlementaire dans les réalités du terrain. D’autres modalités sont envisageables, mais l’urgence commande d’agir.
Deuxième piste : sortir du piège du scrutin uninominal
Le débat sur la réforme électorale ne peut plus se limiter à l’opposition binaire entre scrutin majoritaire et proportionnelle intégrale. D’autres voies existent, éprouvées dans nos communes et nos régions. Le scrutin de liste avec prime majoritaire offre une synthèse intéressante : il garantit la gouvernabilité tout en assurant le pluralisme.
Cette option n’est pas LA solution définitive, mais elle mérite d’être sérieusement étudiée. Le système grec, qui s’en inspire, parvient à concilier stabilité et représentativité. Pourquoi ce qui fonctionne pour 35 000 communes et 13 régions ne pourrait-il pas inspirer une réforme nationale ?
Un appel solennel à votre responsabilité historique
Les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat sont aujourd’hui les garants de la continuité institutionnelle. Dans ce moment de vérité, ils ont le pouvoir et le devoir d’initier la refondation démocratique dont notre pays a cruellement besoin.
Je les appelle solennellement à :
- Ouvrir un grand débat parlementaire sur la réforme de nos institutions, sans tabou ni a priori, qui pourrait être par les Français via un référendum institutionnel
- Associer pleinement les élus locaux à cette réflexion, eux qui maintiennent la République debout dans les territoires
- Explorer toutes les pistes permettant de sortir de l’impasse actuelle, en s’inspirant de ce qui fonctionne localement
La démission-éclair du Premier ministre n’est pas qu’un accident de l’histoire. Elle est le symptôme d’un système à bout de souffle. Les Pontoisiens, comme tous les Français, ne comprennent plus pourquoi leur démocratie locale fonctionne quand leur démocratie nationale s’effondre.
Il ne s’agit plus de rafistoler un système moribond mais de le refonder. Vous qui incarnez la permanence des institutions républicaines, vous avez entre vos mains les clés de cette renaissance. L’histoire jugera si vous avez su saisir ce moment crucial ou si vous avez laissé la République s’enliser dans une crise sans fin.
Le temps presse. Les solutions existent. Il ne manque que le courage politique de les mettre en œuvre.
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