La Normandie prend le train de la « clause Molière ». Après la région Hauts de France ou encore la ville d’Angoulême, la collectivité, présidée par le centriste Hervé Morin (UDI), compte introduire cette disposition dans ses futurs marchés publics de travaux. La Région imposera ainsi aux salariés des entreprises intervenant sur les chantiers dont elle assure la maîtrise d’ouvrage la pratique et la compréhension de la langue française.
« Il s’agit d’une question de sécurité », plaide le président Morin qui soutient que cette disposition demeure « conforme à la réglementation des marchés publics ». L’obligation devrait concerner l’intégralité des prochains appels d’offres. En cas de non-respect de cette obligation, les entreprises se verront appliquer des pénalités financières. « Il serait trop compliqué de prononcer la résiliation du marché alors que ce dernier serait déjà en cours d’exécution », justifie Hervé Morin.
Le « localisme » en vogue
Derrière les considérations légitimes de sécurité, l’élu défend aussi ce nouveau dispositif à l’aune d’un mouvement très en vogue actuellement, celui du « localisme ». « Il s’agit de favoriser les salariés et les entreprises de notre territoire », assume l’ancien ministre de la Défense. Indirectement, cela devrait permettre de lutter contre le dumping social et de limiter le recours aux travailleurs détachés.
Alain Piquet, président de la fédération française du bâtiment de Normandie (FFB) et de la commission marchés à l’échelon national, soutient la démarche : « Cette clause Molière n’est pas la panacée, mais elle fait partie des nombreux leviers à la disposition des élus pour adapter l’achat public au tissu économique local. » L’organisation qu’il préside vient de parapher avec la collectivité une charte de bonnes pratiques pour une commande publique régionale au service de l’économie locale.
La sécurité d’abord
D’un point de vue juridique, cette prescription ne semble pas devoir fragiliser les futurs marchés. Ni la jurisprudence du Conseil d’Etat, ni la réglementation nationale n’interdisent, en effet, cette pratique. « La liberté contractuelle demeure la règle, assure Raphaël Apelbaum, avocat associé en droit public chez LexCase. La « clause Molière « est légale à condition qu’elle se rattache à la bonne exécution de la prestation et les objectifs du chantier. » Et peu importe que les élus s’en prévalent pour communiquer sur leurs actions en faveur de l’emploi local. « C’est la conséquence et non la cause du dispositif », analyse-t-il.
La « clause Molière « est légale à condition qu’elle se rattache à la bonne exécution de la prestation et les objectifs du chantier. »
En l’occurrence, l’argument de la sécurité au travail sur les chantiers ne devrait, selon lui, souffrir d’aucune contestation juridique. « Ce qui serait litigieux, ce serait le fait d’interdire, par principe, le recours à des entreprises étrangères », pointe l’avocat. De fait, l’avocat en droit public ne s’attend pas à une multiplication des procédures devant la justice administrative. Ce qui devrait inciter d’autres collectivités à franchir le pas.
Déjà, l’utilisation de cette clause commence à se diffuser. « Et cela va s’amplifier », prédit Alain Piquet. Qu’on se le dise, le wagon Molière est lancé à pleine vitesse…
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