Selon l’opposition, tout serait parti de Twitter. De petits textes de 140 signes qui auraient agacé sur les bancs frontistes et LR de la région Auvergne – Rhône-Alpes.
L’affaire démarre au mois de mai, lorsque des conseillers régionaux, socialistes, tweetent sur la baisse des subventions accordées par la Région à la Maison des enfants d’Izieu, haut-lieu de la mémoire collective durant la seconde guerre mondiale.
Sur ordre #Wauquiez Scandaleuse baisse subvention (-17%) de @auvergnerhalpes à #Maison_Izieu qui recevra moins que #UNI (40 k€ contre 50k€)
— Jean Louis Gagnaire (@JLGagnaire) 20 mai 2016
L’information, issue d’un rapport de la Commission culturelle de la région, fait l’effet d’une bombe… provoquant dans la foulée une cascade de papiers dans la presse locale, mais aussi dans le Canard enchaîné, qui ironise sur les choix du Président Wauquiez.
.@canardenchaine qd @laurentwauquiez baisse subvention #memoire #shoah #izieu pr augmenter celles de ses potes pic.twitter.com/9k4yxQNLV9 — malik lounes (@bisedemalik) 27 mai 2016
Taper au portefeuille des élus
Rétropédalage en règle de Laurent Wauquiez, qui aurait ensuite – toujours selon l’opposition – décidé de punir ceux qui n’avaient pas respecté leur devoir de confidentialité lors des réunions de commissions organiques. Des élus frontistes se seraient d’ailleurs plaints eux aussi de ces « fuites sur le Web ».
Voilà des années que le @FN_officiel de @ChBoudot réclamait qu’on coupe les vivres à #Izieu. @laurentwauquiez l’a exaucé #honte
— Stéphane Nivet (@stephanenivet) 21 mai 2016
Du côté des proches du patron régional, on nie cette version des faits, expliquant que la décision de Laurent Wauquiez « n’a aucun rapport avec la Maizon d’Izieu ni avec le FN ».
Reste que les conseillers vont néanmoins devoir plancher ce jeudi 23 juin en plénière sur une modification de leur règlement intérieur, et non des moindres, puisqu’il s’agira d’autoriser une « retenue sur indemnité égale à 10% du montant mensuel » des élus qui ne tiendraient pas leur langue sur les réseaux sociaux.
Des doutes sur la légalité de la procédure ?
Pour l’avocat, Philippe Bluteau, spécialiste du droit des collectivités territoriales, il y a ici un doute sur le fondement légal de cette retenue sur indemnité.
« Il faut être humble et prudent, mais je pense qu’on peut raisonnablement douter de la légalité de cette procédure car je ne vois pas le fondement légal d’un tel pouvoir de sanction qui serait attribué au président pour décider :
- Ce qui relève d’une rupture de confidentialité ?
- Combien de temps doit durer la sanction ?
- Y a-t-il ou non des complicités ? »
Et le juriste de poursuivre : « les différences de traitement entre les élus en matière d’indemnités de fonction doivent reposer sur une différence dans l’exercice effectif des fonctions et non en fonction du comportement personnel de l’élu. Ainsi, l’absentéisme est un cas particulier qui peut, lui, donner lieu à réduction, à la fois parce qu’il a trait à « l’exercice effectif des fonctions » – condition légale de la perception des indemnités – et qu’il est désormais, depuis la loi NOTRe, spécifiquement prévu par la loi. »
Un précédent, annulé par la cour administrative d’appel de Bordeaux
D’ailleurs, pour ce spécialiste du droit des collectivités territoriales, un arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Bordeaux en 2007 concernant la baisse des indemnités du maire de Brion, votée par son conseil municipal de par « le caractère autoritaire [de l’édile] et ses absences répétées en réunions » tend à faire douter de la légalité de la mesure proposée par le président Wauquiez.
[…] Si ces mêmes dispositions permettent, ainsi, au conseil municipal de faire varier l’indemnité de fonctions allouée dans la limite du taux maximal susmentionné, la délibération à caractère réglementaire, par laquelle il détermine le montant de cette indemnité, doit reposer sur des critères objectifs, destinés à être également appliqués pour la fixation des indemnités de fonctions des adjoints ou d’autres élus pouvant, le cas échéant, bénéficier de telles indemnités et ne peut pas être prise en considération de la personne ou de son comportement […] (Arrêt de la CAA de Bordeaux, 7 mai 2007)
Les élus d’opposition socialistes ont d’ores et déjà prévu de contester cette modification du règlement intérieur, si elle était adoptée, auprès du Tribunal administratif… Bref, le tweet a encore de beaux jours devant lui en Auvergne – Rhône-Alpes !
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