L’annulation d’un document d’urbanisme, lorsqu’elle intervient, entraĂ®ne de graves consĂ©quences pour la commune ou l’Ă©tablissement public de coopĂ©ration intercommunal (EPCI) concernĂ© : dans ce cas, c’est en effet l’ancien document d’urbanisme, ou mĂŞme le règlement national d’urbanisme (RNU) qui est remis en vigueur, en application de l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme dans sa version recodifiĂ©e, y compris si l’annulation rĂ©sulte d’un vice de forme ou de procĂ©dure pourtant facilement rĂ©gularisable.
La commune ou l’EPCI est alors obligĂ© d’appliquer des règles obsolètes ou totalement inadaptĂ©es Ă la mise en Ĺ“uvre de ses choix en matière d’urbanisme, et ce tant qu’un nouveau document n’a pas Ă©tĂ© Ă©laborĂ©. Cela Ă©tant, le contentieux des documents d’urbanisme est dĂ©jĂ fortement encadrĂ© et offre des outils au juge administratif pour moduler les effets d’une annulation contentieuse. L’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, mis en place par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rĂ©novĂ© du 24 mars 2014 (ALUR), permet au juge, sous certaines conditions, de surseoir Ă statuer lorsqu’il est saisi d’une demande d’annulation d’un document d’urbanisme mais que l’illĂ©galitĂ© est rĂ©gularisable. Le document d’urbanisme reste alors applicable dans l’attente de l’adoption d’un nouveau document dans un dĂ©lai fixĂ© par le juge. Le juge se prononcera ensuite et pourra valider le document puisque l’illĂ©galitĂ© aura Ă©tĂ© rĂ©gularisĂ©e.
Par ailleurs, ce mĂŞme article prĂ©voit que les juridictions administratives peuvent prononcer des annulations partielles des documents d’urbanisme. Ă€ titre d’exemple, si l’illĂ©galitĂ© constatĂ©e n’affecte que le programme d’orientations et d’actions (POA) du plan local d’urbanisme (PLU), ou les dispositions des orientations d’amĂ©nagement et de programmation (OAP) relatives Ă l’habitat ou aux transports et dĂ©placements ou, les plans de secteur du document, le juge pourra limiter l’annulation qu’Ă la partie du document affectĂ© par l’illĂ©galitĂ©. L’article L. 600-9 emploie toutefois le terme « notamment », laissant ainsi ouverte la possibilitĂ© pour le juge de prononcer une annulation partielle dans d’autres hypothèses, par exemple pour une erreur de dĂ©limitation de zones. L’annulation ne portera alors que sur le seul zonage concernĂ© et le reste du PLU perdurera.
Ce mĂ©canisme est utilisable pour toutes les dispositions divisibles des autres documents d’urbanisme ou de planification (schĂ©ma de cohĂ©rence territoriale, cartes communales). En outre, l’article 70 de la loi no 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amĂ©lioration de la qualitĂ© du droit Ă©clairĂ© par l’arrĂŞt du Conseil d’État « Danthony » (CE, 23 dĂ©cembre 2011, no 335033) consacre le principe selon lequel un vice affectant le dĂ©roulement d’une procĂ©dure administrative prĂ©alable, suivie Ă titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature Ă entacher d’illĂ©galitĂ© la dĂ©cision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a Ă©tĂ© susceptible d’exercer une influence sur le sens de la dĂ©cision prise ou qu’il a privĂ© les intĂ©ressĂ©s d’une garantie.
Le Conseil d’État prĂ©cise que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procĂ©dure obligatoire, Ă condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compĂ©tence de l’auteur de l’acte. En application de cette jurisprudence, la cour administrative d’appel de Lyon a refusĂ© d’annuler un document d’urbanisme pour lequel le centre rĂ©gional de la propriĂ©tĂ© forestière avait Ă©tĂ© consultĂ© au lieu du centre national de la propriĂ©tĂ© forestière. L’omission d’une formalitĂ© pourtant obligatoire n’ayant pas eu d’influence sur la dĂ©cision, ne privant pas les intĂ©ressĂ©s d’une garantie et n’affectant pas la compĂ©tence de l’auteur du plan local d’urbanisme (PLU), le PLU n’a pas Ă©tĂ© annulĂ© (CAA Lyon, 24 avril 2012, no 11LY02039). Cette jurisprudence, combinĂ©e aux dispositions de la loi du 17 mai 2011, ouvre ainsi des perspectives intĂ©ressantes en matière de contentieux pour des motifs liĂ©s Ă des vices de forme ou de procĂ©dure, et ce pour les autorisations de construire comme pour les documents d’urbanisme.
En ce qui concerne un autre type d’illĂ©galitĂ©, liĂ© Ă l’insuffisance ou au dĂ©faut de motivation des rapports d’enquĂŞte publique, l’article R. 123-20 du code de l’environnement permet Ă l’autoritĂ© responsable de l’enquĂŞte publique de saisir le tribunal administratif pour que ce dernier demande au commissaire enquĂŞteur de complĂ©ter son rapport. L’autoritĂ© compĂ©tente dispose d’un dĂ©lai de quinze jours pour saisir le tribunal et il importe donc qu’elle surveille attentivement la remise du rapport auprès de ses services. Le tribunal peut faire usage de cette facultĂ© Ă©galement lorsque le rapport lui est remis. Enfin, il est possible pour une commune de saisir la juridiction compĂ©tente pour obtenir des dommages et intĂ©rĂŞts du fait d’une requĂŞte qu’elle estime abusive contre son document d’urbanisme. Elle devra toutefois dĂ©montrer la faute, Ă savoir le caractère abusif de la requĂŞte, le prĂ©judice qu’elle subit, et le lien de causalitĂ©, conformĂ©ment aux règles de droit commun en matière de responsabilitĂ©. Ces outils et principes, rĂ©cents, permettent d’ores et dĂ©jĂ d’attĂ©nuer les effets de l’annulation contentieuse des documents d’urbanisme.
Références
Question écrite de Fabrice Verdier, n° 82536, JO de l'Assemblée nationale du 17 mai 2016
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