Il y a un os dans la métropole du Grand Paris. Le conseil départemental des Hauts-de-Seine veut fusionner avec son confrère des Yvelines qui se situe hors les murs du nouveau groupement urbain. Longtemps, on a cru à une boutade des présidents (LR) des deux collectivités, grands cabots devant l’éternel.
Mais ce 5 février 2015, Patrick Devedjian et Pierre Bédier sont passés aux choses sérieuses. Par une délibération identique, leurs assemblées, toutes deux largement dominées par Les Républicains, ont fondé un établissement public interdépartemental et une société d’économie mixte d’aménagement unique. Objectif : une fusion dans les deux ans.
En enclenchant ce processus, les Hauts-de-Seine veulent échapper à la mort annoncée des départements du cœur de la région capitale. La volonté de Paris de fondre le département dans les services de la ville procède de la même logique. « La disparition des conseils généraux à l’horizon 2020 s’imposera ici sans doute plus qu’ailleurs avec évidence », avait indiqué le Premier ministre Manuel Valls, dans un discours à Créteil (Val-de-Marne) le 13 octobre 2014, à l’issue d’un comité interministériel sur le Grand Paris.
La Mecque de l’immobilier de bureau
Si leur fusion, fort mal vue au sommet de l’Etat, va à son terme, les Hauts-de-Seine et les Yvelines formeront le département le plus peuplé de France (3 millions d’habitants). Le plus riche aussi, grâce aux royalties de La Défense, Grand Paris Seine Ouest (Boulogne-Billancourt, Issy-les-Moulineaux…), Vélizy-Villacoublay et Saint-Quentin en Yvelines.
Avec ses 17 millions de m2 de bureau, le mastodonte devancerait Paris (16 millions de m2), se félicite Patrick Devedjian. « J’ai regardé avec grand intérêt les grands projets de madame Hidalgo, renchérit Pierre Bédier. Ils sont formidables. On va faire des jardins potagers. Mais il n’y a aucun projet économique. Paris est la grande absente de la croissance francilienne et de la croissance française. »
Pour Pierre Bédier et Patrick Devedjian, les Hauts-de-Seine et les Yvelines doivent devenir « le moteur économique dont la région capitale a besoin ». Le territoire visé se caractérise par une forte homogénéité sociologique. Ici, le taux de cadres et de professions intellectuelles supérieures se situe largement au-dessus de la moyenne nationale. Le président du groupe Front de gauche au conseil départemental des Hauts-de-Seine, Gabriel Massou, dénonce un rapprochement « entre les seuls territoires les plus riches de l’Ouest parisien pour se protéger des populations les plus en difficulté et des territoires qui souffrent le plus ».
Quid de la proximité ?
Dans les franges des Yvelines, la fronde gronde aussi. La communauté d’agglomération Rambouillet Territoires redoute d’être embrigadée dans une collectivité un peu trop urbaine à son goût.
« Quelle sera la proximité dans un département d’une si grande superficie et aux visages si disparates ? Le partage d’une longue frontière ne crée pas, à elle seule, les conditions nécessaires à une fusion de deux territoires d’une telle importance », renchérit Eddie Ait, président PRG du groupe Radical, citoyen, démocrate et écologiste au conseil régional d’Ile-de-France et ancien maire de Carrières-sous-Poissy (Yvelines).
« Nos citoyens ne vous ont pas élu dans cette perspective puisqu’au moment du vote, ils n’en ont pas été informés », pointent les élus de Rambouillet Territoire à l’adresse de leurs confrères du conseil départemental.
Les adversaires du projet réclament une consultation populaire. Pour les présidents des Yvelines et des Hauts-de-Seine, la fusion est trop peu avancée pour s’engager sur cette voie-là.
Pierre Bédier, dont le conseil départemental ne compte pas le moindre représentant de gauche, croit avant tout à « la responsabilité des élus ». Patrick Devedjian rappelle volontiers que les parlementaires socialistes ont écarté l’obligation référendaire afin de rendre les fusions de département plus faciles.
Haro sur l’Etat aménageur !
En attendant, les Hauts-de-Seine et les Yvelines créent un centre commun d’accueil des personnes souffrant d’un handicap psychique. Ils mutualisent aussi leurs services en charge de l’entretien et de l’exploitation des voiries départementales.
La fusion des sociétés d’économie mixte Yvelines Aménagement et, surtout, SEM 92, leur offre une puissance de feu inédite, qu’ils entendent mettre « au service des communes ».
« Les années 60 nous ont montré la nullité de l’Etat aménageur. Son opérateur foncier GPA (NLR : Grand Paris Aménagement) nous démontre que les choses se sont encore dégradées ! Ceux qui refusent la gestation pour autrui auront avec notre SEM la solution des voies naturelles », lâche Pierre Bédier.
« Nous devons faire du développement économique », martèle à l’envi le patron (LR) des Yvelines. A l’heure où la loi NOTRe accorde, en la matière, un leadership à la région (monopole des aides directes et schéma qui s’impose aux autres échelons), les deux départements n’entendent pas céder un pouce de terrain.
« On fait de l’économie comme monsieur Jourdain de la prose, justifie Patrick Devedjian. Quand le préfet des Hauts-de-Seine me demande de financer la ligne Eole, qui a évidemment une incidence sur l’activité, il n’invoque pas la loi NOTRe… »
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