Antoine Gazeau, rĂ©dacteur en chef du magazine Brief, mensuel dĂ©diĂ© Ă la communication publique et territoriale, s’en souvient très bien : lorsqu’il a participĂ© au « cafĂ© philo » consacrĂ© aux questions de dĂ©ontologie dans le cadre du dernier forum Cap’Com en dĂ©cembre, rĂ©seau national des communicants publics et territoriaux, « chaque participant avait une situation vĂ©cue Ă raconter oĂą il s’Ă©tait senti dĂ©passĂ© par la demande d’un Ă©lu, oĂą il avait eu peur d’ĂŞtre associĂ© Ă une affaire de clientĂ©lisme, oĂą il lui avait semblĂ© que l’Ă©lu lui demandait de dĂ©passer la ligne jaune ». Et quelle serait cette ligne jaune, justement ? Le cas de BĂ©ziers a Ă©tĂ© une occasion pour les communicants d’Ă©changer sur leurs valeurs communes et sur ces limites Ă ne pas dĂ©passer : une campagne d’affichage montrait un pistolet avec cette lĂ©gende : « DĂ©sormais la police municipale a un nouvel ami ».
« Les professionnels qui s’interrogent peuvent se rĂ©fĂ©rer Ă la charte de Marseille, que nous avons conçue et adoptĂ©e en 2002, articulĂ©e autour de 10 articles », explique Bernard Deljarrie, dĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral de Cap’Com. « Elle stipule que la communication doit s’exercer « en dehors de toute propagande ou falsification des faits » et rappelle qu’elle « vise Ă favoriser la participation Ă©clairĂ©e des usagers aux processus de dĂ©cisions des institutions Ă©lus », en s’attachant Ă crĂ©er les conditions et les outils d’un rĂ©el dĂ©bat public ». Nous rĂ©affirmons, notamment, le principe de sĂ©paration entre la communication politique des Ă©lus et la communication municipale de la ville », poursuit-il. « Il y a, finalement, deux façon d’aborder la communication publique », analyse Antoine Gazeau, « ou elle vise Ă garantir le vivre ensemble, ou c’est un outil au service de la communication de l’Ă©lu ».
« Les Ă©lus ont disparu des supports »
Pour Bernard Deljarrie, le contexte politique de cette dernière annĂ©e est rĂ©vĂ©lateur d’un besoin de clarification : « La pĂ©riode de l’après municipales, avec des changements de majoritĂ©, a impactĂ© les professionnels dans leur mission de communication. Ils tâtonnent en particulier sur la question de la visibilitĂ© des Ă©lus dans la communication de la collectivitĂ©. Depuis dix ans, avec la crise de dĂ©fiance envers les politiques, les Ă©lus ont disparu des supports. Et aujourd’hui, on est face au cas d’un Robert MĂ©nard omniprĂ©sent et pas seulement pour couper des rubans ! Les communicants cherchent encore le bon curseur ».
Pour rĂ©pondre Ă ces interrogations qui se font plus aigus, Cap’Com a dĂ©cidĂ© de mettre en place, « très prochainement », un comitĂ© d’Ă©thique. « En analysant cette problĂ©matique lors de notre forum, puis Ă l’occasion de l’affaire de BĂ©ziers, nous sommes arrivĂ©s Ă la conclusion que notre dĂ©ontologie ne pouvait se rĂ©sumer Ă des règles strictes, qu’il fallait la faire vivre », prĂ©cise Bernard Deljarrie. Ce comitĂ©, conçu comme un « espace d’Ă©change et de confrontation », pourra ĂŞtre saisi pour Ă©tudier des cas concrets afin de soutenir les pratiques professionnelles.
« Une campagne facile qui joue sur les peurs »
Pour Philippe Deracourt, dĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral de l’association Communication publique, association pour la communication des institutions publiques, « ce n’est pas Ă partir du cas de BĂ©ziers que l’on peut discuter utilement de la question des limites entre communication publique et communication politique ». Quand les membres du rĂ©seau de Cap’Com estiment – avec beaucoup de dĂ©pit -, que la politique de communication de BĂ©ziers, qu’il s’agisse de sa campagne d’affichage dĂ©diĂ©e Ă sa police municipale ou de son journal municipal, est « efficace », car elle touche sa cible, grâce, notamment, Ă des visuels percutants, Philippe Deracourt souligne « que c’est beaucoup plus compliquĂ©, par exemple, d’imaginer une campagne de prĂ©vention ». PlutĂ´t que d’une campagne « efficace », il prĂ©fère parler d’une « campagne facile, basĂ©e sur la provocation, clivante, qui joue avec les peurs et brosse l’Ă©lectorat dans le sens du poil ». « Nous sommes bien loin, dans ce cas, d’une communication reprĂ©sentative de l’engagement des professionnels pour une communication sincère, authentique, respectueuse de chacun et, surtout, travaillant Ă retisser du lien social ».
Antoine Gazeau appelle, lui aussi, Ă Ă©largir le focus. « On a beaucoup commentĂ© le cas de BĂ©ziers car il s’agit de Robert MĂ©nard, Ă©lu avec le soutien du Font national. Mais il y a certainement en France d’autres Ă©lus qui ont mis la communication de leur institution Ă leur service… », relève-t-il, et de conclure : «  C’Ă©tait un bon coup de com, Robert MĂ©nard a fait le buzz qu’il espĂ©rait, mais ce n’Ă©tait pas de la communication publique ! ».
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