« Asphyxie » : c’est le terme qui revient le plus souvent dans le discours du député Pierre Morel-A-L’Huissier à l’heure d’évoquer l’impact de l’application des normes dans les territoires ruraux. Chargé en octobre 2011 par le chef de l’Etat d’un rapport sur le sujet en compagnie de trois autres députés UMP (Daniel Fasquelle, Etienne Blanc, Yannick Favennec), le chef de file de la « droite rurale » présentait le 10 avril 2012 ses préconisations.
Parmi les plus audacieuses, celle de créer de nouveaux principes juridiques de proportionnalité et de subsidiarité « pour adapter la règle normative aux réalités territoriales » et permettre « au pouvoir local d’appliquer avec une certaine latitude les normes nationales administratives », plaident les parlementaires. « La réglementation sur l’eau ne peut être la même dans des villes comme Lyon ou Paris, avec des nappes phréatiques, ou dans la Lozère ou l’Ain, avec des nappes karstiques, comme en Lozère ou dans l’Ain », illustre Etienne Blanc, député de ce département rural du Rhône.
« Promotion » pour les préfets de département – Pierre Morel-A-L’Huissier imagine ainsi donner ce pouvoir d’adaptation aux préfets de départements, une piste dont la nécessité aurait été actée le matin-même selon le député lors d’une réunion entre les « quatre mousquetaires de la ruralité », comme ils aiment à se surnommer, et le secrétaire général de l’Elysée, Xavier Muscat. La primauté récemment octroyée aux préfets de région dans le cadre de la Réate et de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) serait donc remise en cause avec le retour en force, du moins sur la thématique de l’application et de l’adaptabilité des normes, des préfets de département.
Haro sur la Datar – Les parlementaires sont aussi vent debout contre le rôle qu’ils jugent beaucoup trop effacé de la Datarpour appuyer les territoires ruraux dans leurs besoins. « Il faut bousculer le système national et la Datar qui, à part nous parler des territoires ruraux sur des publications en papier glacé, ne fait rien pour apporter des réponses ! », s’emporte Pierre Morel-A-L’Huissier. Le député souhaite voir cette direction profondément restructurée, avec notamment l’instauration d’un pôle juridique en son sein, et la voir rattachée directement au Premier ministre ou a minima au ministère de l’Intérieur et des collectivités locales, plutôt que « de la voir coincée entre l’Agriculture et la Ville ». Une manière également d’assurer un caractère interministériel à ses moyens et à ses objectifs. La Datar nouvelle formule deviendrait par ailleurs partie prenante d’une « structure nationale » plus large dédiée à l’aménagement du territoire, comprenant une direction rurale et accompagnée de « correspondants départementaux ruralité » auprès de chaque préfet de département.
Autre instance envisagée : une « commission nationale de simplification » rattachée au Premier ministre et qui intégrerait les travaux effectués par le Commissaire à la simplification et ceux de la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN), dont les missions seraient préalablement élargies aux problématiques de la ruralité.
Un compteur de normes – Un renforcement du « chapitre » de l’étude des conséquences budgétaires et normatives dans les études d’impact qui accompagnent désormais les projets de loi est souhaité. Les députés envisagent par ailleurs, dans les textes nouveaux discutés au Parlement, des volets systématiquement dédiés aux modalités d’adaptation des lois et normes aux territoires, « comme savent si bien le faire les élus d’outre-mer ou de la montagne », souligne Daniel Fasquelle (Pas-de-Calais). Et le député d’imaginer, « comme il existe un compteur à New-York sur la dette américaine, d’en installer un sur le nombre de normes nouvelles applicables aux collectivités : cela permettrait de responsabiliser chacun ! »
En attendant cet improbable décompte sur les murs du Palais Bourbon, les quatre parlementaires ont plus sérieusement annoncé le dépôt de deux propositions de loi reprenant ces propositions, la première sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité, la seconde étant une proposition de loi-cadre plus large en faveur des territoires ruraux.
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