Sale temps pour la transition énergétique. Tout le secteur de l’énergie attendait que le cadre de la politique énergétique de la France soit enfin clarifié : en premier lieu avec la fin de l’examen au Parlement de la proposition de loi du sénateur Daniel Gremillet (et de son groupe LR) « Programmation et simplification dans le secteur économique de l’énergie », qui devait arriver en 2e lecture à l’Assemblée nationale, à l’ouverture de sa session (22 septembre) ; et dans la foulée, avec la publication du décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) signée de la main du Premier ministre.
Mais ce diptyque s’est effondré. La chute du gouvernement Bayrou a stoppé le parcours de la proposition de loi (PPL). Quant au décret, il n’a pas été signé par François Bayrou et publiée au Journal officiel avant le vote de confiance du 8 septembre, le chef du gouvernement souhaitant ménager les députés du Rassemblement national qui avaient fait de la publication de ce décret une ligne rouge à ne pas dépasser.
Le nucléaire en carafe
La transition énergétique se retrouve donc à l’arrêt. Car en l’absence de cette PPE3 – qui porte sur la période 2025-2035 -, c’est la PPE2 qui s’applique. Adoptée en 2020, elle porte sur la période 2019-2028. Or il n’y a aucune mention de la relance du nucléaire, décidée lors du fameux discours d’Emmanuel Macron à Belfort, en 2022. Au contraire, elle appelle à démanteler de nouveaux réacteurs du parc nucléaire historique, pour ramener la part du nucléaire à 50% du mix électrique. Sans cadre réglementaire, impossible pour EDF de prendre la décision d’engager le financement du nouveau programme nucléaire (6 réacteurs EPR2), comme cela était prévu pour la fin 2025. Ce raté va de facto retarder ce programme nucléaire dont les nouveaux réacteurs ne devaient déjà être mis en service qu’à partir de 2038.
Impossible également de lancer le 10e appel d’offre pour l’éolien off-shore, d’une puissance de 8 à 10 GW – avec une majorité d’éolien flottant – qui devait se déployer en Normandie, Bretagne, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie. Une catastrophe pour les acteurs industriels. « La publication rapide de la PPE3 est cruciale pour apporter de la visibilité aux filières et garantir la sécurité et la souveraineté énergétique de notre pays », indique un communiqué du Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui représente les acteurs de cette filière. Jean-Luc Dupont, président de la FNCCR, déplore aussi la situation : « Ces stops and go, c’est la pire des choses, car la filière a besoin de cap a moyen et long termes ».
« La PPE2 s’arrête en 2028, c’est demain ! Pour le monde de l’énergie, ça veut dire qu’il n’y a plus aucun cadre de politique énergétique », se désole Jules Nyssen, président du SER.
- Les sénateurs remettent de l’ordre dans la programmation énergétique
Une mince chance d’aboutir
La publication du décret sur la PPE3 relève de la responsabilité du nouveau Premier ministre. Mais du fait de la sensibilité de ce sujet – notamment pour le RN -, il est probable que Sébastien Lecornu attende la fin de l’examen de la PPL Gremillet avant de signer le décret, afin de ne pas braquer le Rassemblement national et de risquer une nouvelle censure. « D’autant qu’un décret sans loi serait très fragile, ajoute le sénateur Daniel Gremillet. Il faut donc conduire le débat parlementaire jusqu’au bout ».
Mais la fenêtre est étroite. « Il faudrait que la proposition de loi énergie-climat puisse être examinée avant l’arrivée du projet de loi de finances, qui va accaparer les débats jusqu’à la fin de l’année. Et pour cela, il faudrait que la constitution du nouveau gouvernement ne soit pas trop longue, 15 jours tout au plus », pointe le sénateur. Un réel défi. « Nous sommes tout proche de la fin, une commission mixte paritaire pourrait se tenir rapidement », veut encore croire le sénateur. Car il y a urgence. « La France est en souffrance du fait de l’absence de cadre pour sa politique énergétique et cela ralentit les investissements », se désole-t-il.
« En tant que parlementaires, nous sommes un peu tous dans le flou, reconnait le sénateur écologiste Ronan Dantec. Et il est bien difficile de savoir dans quel sens tout cela va atterrir …» et notamment quand pourra être examinée cette proposition de loi, en 2026.
Redéfinir les priorités
Pour sa part, Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce, se désole du niveau des débats parlementaires lors de l’examen de ce texte. « Les débats ont sombré dans une vision simpliste de la transition énergétique. Par exemple, rien n’a été dit sur la maitrise de la demande en énergie ». Il regrette que la politique énergétique se borne à la question de la décarbonation, alors qu’il y a une hiérarchie, dans le domaine de la stratégie énergétique : ...
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