Personne n’en a entendu parler. Parce que rien n’y a été annoncé.
Le 20 juin, le gouvernement a tenu un comité interministériel aux ruralités, dans les Vosges. Ce comité ne s’était pas réuni depuis 2021. Il s’est réuni en catimini, d’ailleurs personne ne l’a vu. Personne ne l’a vu parce que rien n’y a été annoncé. À l’issue de celui-ci, le gouvernement a préféré tirer un bilan glorifié de son Plan France Ruralités, datant de 2023, malgré l’atteinte plus qu’aléatoire des objectifs fixés, et en n’annonçant aucune mesure chiffrée pour la qualité de vie des 22 millions de Françaises et de Français résidant dans les ruralités.
Des mesures sans ambition
Tout dans l’annonce, rien dans le concret. Du Plan France Ruralités, quel bilan tirer ? Sur les 100 médico-bus promis d’ici à fin 2024, 11 roulent réellement. Sur les mobilités rurales, malgré la multitude et l’innovation de projets locaux, seuls 30 millions d’euros restent alloués chaque année et ces montants bien faibles pour sortir du non-choix du tout voiture qui reste une assignation à résidence pour tant de ruraux n’ont même pas tous été décaissés.
Sur le logement, la seule mesure annoncée était une prime de 5000 euros pour aider à la rénovation ou à l’acquisition de biens dans nos zones rurales : dérisoire face au manque de politique structurelle face à l’airbnbisation des campagnes, face à l’implantation de résidences secondaires, et face à la suspension de Ma Prime Renov’. Et si peu, sinon rien, pour la transition écologique, sinon la baisse de 60% de financements des montants du Fonds Vert et les menaces grandissantes sur le ZAN.
Et le gouvernement, déplacé en grande pompe, n’a rien annoncé de nouveau sinon des mesures sans ambition, sans objectifs chiffrés, symbolisées par le refus d’augmenter les fonds dédiés à ce plan.
On peut retenir de ces annonces, entre autres : le soutien symbolique – sans hausse de moyens – des acteurs associatifs dans le cadre des mobilités solidaires et alors même que la proposition de loi sur le réemploi des véhicules adoptée à l’unanimité il y a un an n’est pas appliquée ; la volonté de mettre en place des stages en zone rurale pour les étudiant-es en médecine sans stratégie claire ; le développement – sans hausse de moyens – du commerce de proximité ; une charte sur le bien-vivre en ruralité ; ou encore la création de pas moins de 4 “guides” sur la mobilité, la rénovation énergétique, les polices municipales, le milieu associatif – un appendice des numéros verts bien maigre face au manque structurel de vision et de moyens alloués aux politiques publiques rurales. .
Pour les jeunesses rurales, alors que les recherches montrent les inégalités subies en matière de choix d’orientation et que les classes ferment en ruralités, le Gouvernement propose d’utiliser le temps passé dans les transports scolaires en cas de fermeture de classe pour “améliorer leur bien-être et leur apprentissage”. Faudrait-t-il encore avoir un service de transports scolaires maillant le territoire à coût accessible pour tous les parents, notamment en zone rurale! Et pour leur santé mentale, grande cause nationale, le gouvernement suggère le déploiement d’équipes, toujours sans hausse de moyens. Pour rappel aujourd’hui il n’y a plus qu’un psychologue de l’Education Nationale pour 1800 élèves, il serait effectivement grand temps d’agir !
Prendre nos campagnes au sérieux
La ministre Françoise Gatel parle d’un avenir où ruralité puisse être synonyme de modernité et surtout, de possibilités. Mais nos concitoyens, sur nos territoires, veulent des actes maintenant, un cap qui ne se dérobe pas, pas des promesses jetées en l’air sans budget, et des revirements permanents. Les campagnes, ce sont 88% du territoire national.
Face à la décentralisation inachevée, à une politique d’aménagement du territoire en berne, aux logiques du “tout-marché” auxquelles nous serons forcément perdants, nous opposons la régulation de l’installation des nouveaux médecins et la démocratisation des études de médecine, le développement de l’offre de transport ferroviaire et des mobilités alternatives pour notre droit à la mobilité rurale, la rénovation des centres bourgs, un moratoire sur la fermeture des classes dans nos petits villages, des brigades de gendarmerie mobiles pour recueillir les plaintes pour violences sexistes et sexuelles en zone rurale, l’investissement dans des gendarmeries de proximité. Déserts médicaux, mobilités, accès aux soins, égalité femme-homme, émancipation de la jeunesse, sécurité, adaptation aux changements climatiques, accès à la culture, installation agricole…. Les défis sont nombreux et immenses.
Car j’y viens : dans ce plan, il n’y a rien, au delà de la diminution de 60% de l’enveloppe du Fonds Vert, pour atténuer les changements climatiques, l’effondrement du vivant et y faire face. Cela, à l’heure où les scientifiques nous alertent sur l’impossibilité désormais d’atteindre les 1,5°C de réchauffement climatique, cela répond sans doute aux relents populistes du moment, mais c’est tout bonnement criminel.
Nous n’avons plus le temps de gesticuler pour ne rien faire. A l’heure des bouleversements du monde, des changements climatiques qui nous impactent toutes et tous, des mouvements poujadistes et populistes auxquels semble si sensible le Gouvernement : il est grand temps de prendre nos campagnes au sérieux.
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