Dans un post publié courant mai sur LinkedIn, Dayana Chamoun-Fievée, consultante en recrutement et directrice de Diane Conseil, raconte avoir appris que « seul 1 % des marchés publics était attribué à des entreprises dirigées par des femmes », quand « 33 % des entreprises répondant à des marchés publics étaient dirigées par des femmes. Alors, je me suis demandé : et maintenant, on fait quoi ? » écrit-elle.
Si la source de ces chiffres est une étude internationale du Centre du commerce international et de l’« ONU femmes » portant sur des données mondiales, la proportion évoquée n’en interroge pas moins : « Nous faisons face à un problème structurel. Le sujet est, selon moi, comment faire pour que le 1 % devienne demain 35 % ? » poursuit Dayana Chamoun-Fievée.
Vérifier en amont
Pourtant, en matière d’égalité femmes-hommes dans la commande publique, des leviers sont activés, tel celui de l’égaconditionnalité, avec une avancée importante : l’exclusion des appels d’offres publics pour les entreprises ne respectant pas les critères d’égalité entre femmes et hommes, c’est-à-dire obtenant un score inférieur à 75 à l’index de l’égalité professionnelle.
Si le calendrier d’application de cette mesure reste encore flou, ce ne serait plus qu’une question de temps, selon le cabinet d’Aurore Bergé, ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
« L’égaconditionnalité sera inscrite dans le texte de transposition de la directive européenne sur la transparence salariale, prévue pour être publiée au plus tard le 7 juin 2026 », assure ainsi son cabinet à « La Gazette ».
« L’intérêt de cette mesure est qu’elle permettra d’agir au stade de la candidature, stade auquel les acheteurs publics doivent actuellement vérifier la solidité des candidats financièrement, techniquement, mais pas en termes d’égalité. Ce sera un outil supplémentaire qui s’ajoutera à l’existant », confirme Marion Terraux, avocate associée au cabinet Seban avocats.
En attendant, plusieurs leviers sont déjà actionnables. « L’idée est d’interroger la programmation achat à travers le prisme de l’égalité », développe Pauline Dehani, agente territoriale et experte en achats socialement responsables, qui a réalisé, avec le centre Hubertine-Auclert (centre francilien pour l’égalité femmes-hommes), un recueil de pratiques visant à promouvoir l’égalité femmes-hommes dans la commande publique. « Quel que soit le segment d’achat concerné, il y a des enjeux d’égalité à aller chercher », poursuit-elle.
Définir et sécuriser
Mais attention à bien partir de la définition du besoin, et à caractériser le lien avec l’objet du marché : « On sait que la jurisprudence administrative exige de façon constante que les critères d’attribution soient justifiés par l’objet du marché », rappelle Céline Sabattier, avocate au sein du cabinet BCCL Avocats, qui insiste sur la nécessité de « sécuriser juridiquement le lien entre l’objet du contrat et les critères d’attribution ».
Pauline Dehani détaille des exemples où l’enjeu d’égalité peut se décliner : « Dans le cadre d’un marché d’affichage publicitaire sur du mobilier urbain, l’acheteur public peut exiger que les supports ne reproduisent pas de stéréotypes discriminants. Et pour tout marché mobilisant des salariés réalisant des prestations, le point d’ancrage peut être de demander dans quelle mesure l’égalité bénéficie aux employés mobilisés dans le cadre de ce périmètre précis. Il faut être réaliste et proportionné », conclut-elle, invitant à privilégier les « plans de progrès qui laissent des marges de manœuvre pour obtenir des améliorations ».
L’index de l’égalité professionnelle comme référent
Le principe d’égaconditionnalité consiste à conditionner le versement d’argent public à un respect de l’égalité femmes-hommes pour les entreprises concourant à des appels d’offres publics. Le 6 mars 2024, en conseil des ministres, Aurore Bergé, ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, avait évoqué l’application de l’égaconditionnalité dans les marchés publics français, après qu’Elisabeth Borne, alors Première ministre, l’a annoncée en 2023.
Le but est de s’appuyer sur l’index de l’égalité professionnelle, dit « index Pénicaud », qui permet de poser un diagnostic sur les écarts de rémunération existants et, le cas échéant, de mettre en place des actions pour les résorber. Cet index concerne également la fonction publique, et en particulier les collectivités, depuis le 30 septembre 2024. Concrètement, les entreprises qui obtiendront un score inférieur à 75 sur 100 à leur index égalité femmes-hommes seront exclues des appels d’offres publics.
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