C’était il y a un peu plus de deux ans. Une éternité, quand la vie parlementaire, si changeante, détricote ce qui relevait du bon sens à l’époque. Le 10 mars 2023, la loi d’accélération pour la production des énergies renouvelables (APER) était promulguée. Elle emportait des obligations de solarisation des bâtiments et des parkings. Elle demandait aussi aux communes de planifier le déploiement des énergies renouvelables.
Et donc, à l’occasion de l’examen récent de la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement, ces dispositions risquent d’être fortement réduites. Il suffira de planter des arbres pour échapper à l’installation d’ombrières solaires sur les parkings, tandis que seuls les bâtiments publics de 1100 m² sont maintenant concernés à l’horizon du 1er janvier 2028 pour leur solarisation (retardant la transposition de la directive européenne EPBD et obligeant le législateur français à revenir légiférer d’ici à fin 2027) alors que ceux de plus de 500 m², privés ou publics, étaient visés initialement par le législateur de la loi APER.
Opération gagnante
Ces reculs parlementaires (qui restent à confirmer ou infirmer en séance publique au Sénat puis en Commission Mixte Paritaire), n’effacent toutefois pas l’essentiel. Que la loi l’impose ou non, la solarisation des bâtiments et des parkings est une opération gagnante pour les collectivités, alors que le développement de l’énergie solaire est plébiscité par les Français avec 89% d’opinions positives selon le récent sondage de l’Ifop. Produire en circuit-court une part de l’électricité consommée par les bâtiments, c’est s’assurer d’un bouclier tarifaire direct et durable contre la hausse des prix et leur volatilité. Le tout pour toute la durée de vie des panneaux solaires, soit 25 à 30 ans, et un temps de retour sur investissement d’une dizaine d’années. Ce qui peut relever de l’autoconsommation patrimoniale, peut aussi embarquer les ménages et les entreprises au sein du territoire au sein d’une communauté d’énergie.
Les élus locaux s’en souviennent : avec la guerre en Ukraine, la hausse brutale des prix de l’énergie a eu des répercussions sévères sur les budgets. Dans un moment de bouleversements géopolitiques, l’autoconsommation est un levier crucial de résilience et de souveraineté : l’énergie que vous pouvez produire vous-même, vous n’avez pas besoin de l’acheter. Vous ne dépendez plus du prix des marchés ou de fournisseurs lointains. Et ce qui vaut pour l’électricité vaut aussi pour la chaleur : l’énergie solaire est tout à fait adaptée au chauffage des équipements et bâtiments publics et l’Ademe soutient ce type d’équipement. L’autoconsommation solaire génère des économies de fonctionnement. Et ce qui est bon pour les finances est bon aussi pour le climat : plus de production renouvelable déployée au plus près des besoins, c’est moins de ressources fossiles importées et moins d’émissions de gaz à effet de serre. C’est aussi, pour le territoire et ses habitants, la fierté collective de relever le défi de la transition, de participer, là où l’on est, à garder le monde habitable.
Autoconsommation collective facilitée
La France compte aujourd’hui un peu plus de 1000 opérations d’autoconsommation collective en fonctionnement, dont une bonne moitié tient aux communes et aux intercommunalités. En quelques années, c’est une formidable dynamique qui s’est levée et tient bon malgré les embûches. Mais c’est encore peu, rapporté aux 35 000 communes de notre pays. Or, toutes les communes ont à gagner à l’autoconsommation, comme en témoignent les pionniers de Malaunay (en Normandie) ou de Montmelian (en Savoie), mais aussi des collectivités engagées plus récemment, comme Montigny en Arrouaize, commune de 300 habitants dans l’Aisne ou Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône, qui a lancé une concession solaire. La solarisation des bâtiments et des parkings n’est ni une mode passagère ni un luxe réservé aux grandes villes, c’est un levier puissant d’autonomie, de pouvoir de vivre collectif et de mobilisation du territoire.
Et, malgré tout, le contexte est bien plus facilitant qu’il y a peu encore : depuis le 21 février, les EPCI peuvent bénéficier d’une dérogation sur le seuil et le périmètre de leurs opérations d’autoconsommation collective (ACC), pour aller jusqu’à 10 MW et couvrir tout le territoire de l’EPCI. Et la règlementation permet désormais de se dispenser d’une régie ou d’un compte annexe pour l’ACC. Le cadre d’opportunités est plus ouvert, les retours d’expérience plus nombreux, les modèles économiques et juridiques robustes. C’est le moment de se lancer !
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