La simplification de la commande publique est sur toutes les lèvres. Tandis que le projet de loi SVE empile les dérogations et les relèvements de seuils, un débat intéressant a émergé des auditions de la commission d’enquête du Sénat sur les coûts et les modalités effectives de la commande publique : simplifier pour les acheteurs revient-il nécessairement à complexifier pour les entreprises ? Faut-il choisir son camp, alléger d’un côté au détriment de l’autre ?
Cette logique de simplification à sens unique risque fort d’entrainer l’échec du projet de loi SVE et de nouvelles critiques sur l’efficacité de l’achat. En opposant simplicité pour les acheteurs et pour les entreprises, on omet deux paramètres majeurs : d’une part, la tendance à confondre complexité et rigueur ; d’autre part, le rôle de l’acheteur dans l’application des textes.
Ne pas confondre complexité et rigueur. La commande publique est perçue comme complexe. Mais qu’est-ce que la complexité ? L’incompréhension, l’opacité, l’empilement d’exceptions qui finissent par brouiller le sens des textes. Or, c’est souvent la rigueur qui est critiquée, l’obligation de suivre une règle, quand bien même celle-ci serait claire.
Prenons l’exemple des cadres de réponses. Certains y voient une intolérable contrainte pour les entreprises. Pourtant, ils ont un bénéfice : ils guident les entreprises sur la construction de leur offre, notamment les PME peu rompues à l’exercice, et visent à réduire les erreurs fréquentes sources d’éviction ou de contentieux d’exécution. Respecter un cadre de réponse, c’est simple, mais contraignant. Doit-on rejeter toute contrainte, même lorsqu’elle est bénéfique ?
Ne pas oublier le rôle de l’acheteur. Se focaliser uniquement sur les entreprises multiplie les exceptions floues ou les dispositifs de niche… que les acheteurs n’appliquent pas. C’est omettre un fait capital : moins les règles sont lisibles, plus l’acheteur complexifie ses procédures. Une aversion au risque que l’on pourrait contester, mais qui explique l’échec des tentatives de simplification précédentes.
Tentons une autre approche : simplifier le travail des acheteurs pour simplifier, par ruissellement, la tâche des entreprises. Lever les incertitudes juridiques, supprimer les obligations peu efficaces, limiter les dérogations qui rendent le droit illisible. Mieux vaut des règles claires et appliquées qu’un millefeuille de subtilités qui alimentent la crainte de l’erreur.
Allier réformateurs et acheteurs. La réforme peut donner les moyens d’atteindre l’objectif, mais c’est à nous, acheteurs, d’en faire une réalité dans nos pratiques. Simplifier implique un changement de posture des acheteurs eux-mêmes. Trop souvent, nous générons une lourdeur évitable. L’accumulation d’exigences disproportionnées, la quête du risque zéro. Des freins que nous avons parfois construits nous-mêmes et que nous devons maintenant lever.
Opposer simplicité pour l’acheteur et simplicité pour l’entreprise est une impasse. Allégeons les règles et nos pratiques pour rendre la commande publique enfin lisible et efficace pour tous.
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