Les Français ont soif de paysage. Depuis la fin des confinements, les sentiers de randonnée sont pris d’assaut. En plein essor, les modes de transport doux urbains conjuguent déplacement et découverte de l’environnement remarquable. Aux entrées et aux sorties de ville, les élus mènent, depuis des années, la chasse aux panneaux publicitaires disgracieux. En favorisant la végétalisation, les politiques d’adaptation aux changements climatiques déminéralisent des centres urbains, bétonnés et asphaltés pour laisser la place à l’automobile et aux constructions.
Comment apaiser cette soif de paysage qui frappe tant de nos contemporains ? C’est la question que se sont posée les auteurs d’un rapport, publié fin janvier, par le Cycle des hautes études de la culture (CHEC). Coordonnée par Lætitia Morellet, directrice régionale adjointe déléguée des affaires culturelles de Nouvelle Aquitaine en charge des patrimoines et de l’architecture, l’étude rappelle, de prime abord, que la préoccupation n’est pas totalement nouvelle.
Les lois « Montagne » et « Littoral » entrées en vigueur, respectivement, en 1985 et 1986, contribuent à protéger les paysages. Engagée en 1989, la politique du « 1% paysage », a pour objectif de faire de la valorisation des paysages un facteur de développement économique et touristique. Votée en 1993, la loi « Paysages » a instauré des objectifs de protection et de mise en valeur des paysages, remarquables ou quotidiens, et donné une portée juridique à la charte des Parcs naturels régionaux (PNR). Plus récemment, la loi Climat et résilience de 2021 intègre une mesure forte sur la gestion du foncier : le Zéro artificialisation nette.
Une Délégation des paysages ?
Multiforme et portée par des nombreux acteurs, la politique de préservations des paysages reste invisible aux yeux de la plupart de nos concitoyens. Pour mieux articuler les différents volets de cette action publique, les rapporteurs recommandent la création, pour cinq ans, d’une Délégation des paysages, placée sous la tutelle du ministère de la culture.
A charge pour cette institution de coordonner les actions menées par les ministères impliquées (culture, transition écologique, agriculture) et par les collectivités locales, les PNR, les Conseils en architecture, urbanisme et aménagement (CAUE), le Conservatoire du littoral, les agences d’urbanisme ou les maisons de l’architecture. Elle aurait pour ambition seconde de mettre en œuvre un vaste plan national. Au niveau institutionnel, celui-ci inciterait au renforcement des effectifs des Architectes des bâtiments de France, à la création de postes de Paysagistes conseil d’état, au soutien aux pratiques culturelles en milieu agricole, à la création d’un titre de Cantonnier d’état, pendant paysager des jardiniers du patrimoine.
Pour reprendre une phrase célèbre, l’état ne pourra pas tout. Les rapporteurs militent aussi pour la création d’une journée du paysage, à l’instar de celle du patrimoine. Journée qui mettrait en valeur des projets artistiques ou pédagogiques. A ce propos, les auteurs appellent à la généralisation de « l’école dehors », pratique consistant à donner cours hors les murs de l’établissement scolaire. Ou comment déciller les yeux des enfants aux beautés des mondes anciens et modernes.
Une application pour les navetteurs
Les adultes ne sont pas oubliés. Une application pourrait être mise à la disposition des millions de navetteurs. Objectif : leur faire découvrir le patrimoine bâti et naturel qui défile, chaque jour, devant eux. « Le téléphone pourrait devenir l’audio-guide d’un paysage ».
Le rapport propose aussi la création de deux labels : l’un dédié aux paysages conjuguant qualités environnementales, paysagères, écosystémiques, agricoles vertueuses et des liens sociaux corrélés ; l’autre mettrait en exergue des territoires endommagés et pour lesquels une restauration est à engager. Ils sont nombreux.
Références
- Les paysages, un bien commun cultuel d'intérêt public
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