La politique culturelle publique en France repose sur un système polycentrique qui s’est construit progressivement depuis les années 1960. Au cours des années 1980, sous les ministères Lang, une logique de partenariat entre l’Etat et les collectivités locales, davantage qu’une décentralisation (au sens de transferts de compétences) presque inexistante, s’est imposée progressivement. Les financements croisés se sont généralisés dans le cadre d’un large consensus politique. Cette gouvernance a assuré une autonomie esthétique aux institutions culturelles.
C’est ce consensus qui est aujourd’hui remis en cause par certains élus, essentiellement de droite et d’extrême droite. L’extrême droite a toujours eu une vision instrumentale de la politique culturelle dans le cadre d’une « guerre culturelle » visant à imposer ses valeurs. Mais l’impact a longtemps été faible car elle ne gérait pratiquement pas de collectivités locales. La nouveauté est le positionnement d’élus du « bloc central » et de droite qui remettent explicitement en cause la logique de l’autonomie esthétique des institutions culturelles. Ces élus défendent une intervention plus forte des tutelles sur les projets culturels.
Les positions récentes des Régions « Pays de la Loire » (dirigée par Christelle Morançais) et « Auvergne Rhône-Alpes » (dirigée par Laurent Vauquiez) témoignent à la fois, au-delà des contraintes budgétaires affichées, d’une volonté de contrôle culturel (proche d’une véritable censure) et d’une logique libérale assumée qui risquent de fragiliser tout l’édifice des politiques culturelles publiques en Région. La brutalité des interventions, menées sans concertation le plus souvent, interrogent sur l’image que ces élus se font des acteurs culturels. Ce nouveau discours est également omniprésent dans les médias du groupe Bolloré (JDD, Europe 1, CNews, C8…). Cette stigmatisation du service public de la culture, largement relayée sur les réseaux sociaux du groupe, s’accompagne d’une mise en avant des vertus supposées du libre marché.
Si cette logique se généralisait à l’ensemble des collectivités locales, notamment les communes qui sont les principaux financeurs et assurent la responsabilité de nombreuses institutions, la vie culturelle serait profondément affectée. Les premières victimes seraient les acteurs culturels, notamment ceux qui travaillent dans les institutions culturelles les plus modestes ; les réseaux associatifs aussi qui jouent un rôle majeur dans le vivre ensemble de bien des communes. Au final, ce sont les français qui bénéficient à ce jour d’une large offre culturelle largement répartie sur l’ensemble du territoire, qui feraient les frais de ce populisme culturel. Notre démocratie mérite mieux que des mesures brutales qui risquent d’affaiblir un maillage culturel patiemment construit depuis un demi-siècle. Il y a urgence à engager collectivement, avec tous les acteurs, une réflexion sur le devenir du secteur culturel en France.
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