La fonction publique est chahutée, malmenée. Le gouvernement pointe du doigt les fonctionnaires : trop nombreux, trop absents… Les candidats incriminent les employeurs publics : pas assez attractifs, pas assez souples… Les générations se dénoncent mutuellement : désengagées, individualistes…
Pendant ce temps, les agents des collectivités travaillent… et cherchent des leviers de motivation et d’engagement quand la rémunération ne suit pas et que le baby-foot est passé de mode avant d’arriver jusqu’à eux.
Suffit-il, alors, de convoquer l’intérêt général pour redonner du sens au travail des agents en collectivité ? Œuvrer pour des missions de service public qui contribuent, par essence, à l’intérêt général est une chance et une responsabilité immenses pour les employeurs et manageurs publics. C’est un atout incroyable, dont rêveraient toutes les entreprises qui dépensent des millions d’euros en campagnes de communication « RSE » [Responsabilité sociale des entreprises] pour attirer, fidéliser, engager.
A entendre certains dirigeants de collectivités en appeler sans cesse au sens de l’intérêt général des agents, on peut pourtant se demander si cet atout ne risque pas de se retourner contre celui qui le détient. Pour reprendre une distinction bien connue, il ne faut pas confondre sens du travail et sens au travail. Le sens du service public ne permet pas de répondre à la quête de sens au travail des agents publics, en tout cas, pas pour tous dans les mêmes proportions.
Si on peut imaginer qu’un directeur général des services de collectivité trouve dans sa proximité avec la politique et la décision publique un sens à sa mission qui lui permet, le plus souvent, de dépasser ses difficultés et ses doutes sur la manière dont il exerce ses fonctions, c’est une erreur de projeter ce seul levier de mobilisation et d’engagement sur l’ensemble des agents.
Un travail intéressant, motivant, ce n’est pas uniquement un travail qui a du sens ! C’est aussi un travail dans lequel je peux mettre du sens, qui me permet de me réaliser, de me singulariser, de montrer aux autres qui je suis ! L’autonomie dans la manière d’exercer ses missions est ici une dimension essentielle, si ce n’est la quête la plus fondamentale : se questionner sur la manière de faire, prendre des initiatives, mesurer les effets, être fier, progresser…
Et sinon ? Se voir imposer des tâches, ne pas comprendre les tenants et aboutissants, subir les changements, attendre les prochains, ne plus trouver aucune gratification, si ce n’est la rémunération, trop faible. Cette autonomie n’est en aucun cas réservée aux postes de directions ou aux professions intellectuelles. Au contraire, elle est directement accessible pour les métiers opérationnels, dont l’appréciation des effets est plus directe, tangible, immédiate. Elle suppose de renverser certaines pratiques des collectivités pour lutter contre l’aversion au risque, la concentration de la décision, la faible reconnaissance de l’initiative ou le découpage des missions en tâches… Mais la quête de l’autonomie au travail est une aventure où chacun peut trouver un sens et un rôle clé !
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