Un monde local en pleine accélération sur le climat depuis 2017
Entre 2017 et 2022, les dépenses engagées par les communes et leurs groupements, les départements et les régions pour rénover des bâtiments publics, aménager des pistes cyclables ou améliorer l’offre de transport en commun ont augmenté de 44 %. Cette hausse s’inscrit dans un contexte d’investissement globalement dynamique, mais la structure même des dépenses locales a évolué : la part dédiée au « climat » est passée sur la période de 9,5 % à 13 %. Les élus locaux montrent ainsi leur volonté de faire le tri dans leurs projets et d’opérer de véritables choix tirant vers le « vert » au détriment du reste.
Ce n’est pas un hasard. Les dernières élections locales ont montré une place croissante des questions écologiques dans l’expression citoyenne. Les manifestations concrètes du changement climatique comme lors de l’été 2022, marqué par des sécheresses et incendies d’une ampleur inédite, servent souvent d’électrochoc. Enfin, l’outillage et l’expertise des élus et techniciens territoriaux ont progressé alors que des instruments d’accompagnement et de financement dédiés ont été créés, notamment par l’Etat, en ingénierie, en prêts ou en subventions.
Des besoins qui restent considérables pour lutter contre le réchauffement climatique et s’y adapter
Mais cette vision relativement optimiste ne doit pas laisser entendre que la partie est gagnée. Si l’action est réelle, l’accélération doit se poursuivre et même s’accentuer. Avec le retard accumulé ces dernières décennies et des objectifs de réduction de gaz à effet de serre réhaussés suite à l’Accord de Paris, c’est encore un doublement des investissement locaux pour le climat qui est attendu d’ici 2030. Plus de 3 milliards d’euros d’euros supplémentaires seront nécessaires chaque année pour rénover les bâtiments publics à hauteur des objectifs nationaux, et au moins autant pour les infrastructures de la mobilité décarbonée (transports en commun et vélo).
Les stratégies d’adaptation aux impacts du changement climatique restent par ailleurs bien souvent embryonnaires dans les collectivités, alors même qu’elles en sont des acteurs clefs. En ville il faudra aménager les espaces publics pour contrer les phénomènes d’ilots de chaleur ; sur le littoral, repenser les politiques d’aménagement en fonction du recul du trait de côte ; partout les tensions sur l’approvisionnement en eau amènent à changer pratiques et équipements. Autant d’exemples qui supposent pour les acteurs territoriaux un changement d’agenda, et aussi bien souvent des dépenses nouvelles.
Le PLF 2025 et le risque de la cassure
La période écoulée a révélé les deux ingrédients indispensables à la transition climatique locale : des autorités nationales claires sur la priorité à donner au climat dans les choix politiques et budgétaires, comme c’était le cas depuis 2022 ; un climat des finances locales propice à un investissement dynamique, quitte pour cela à assumer le recours à l’emprunt. Les dernières semaines et les arbitrages du budget 2025 créent, sur ces deux sujets, d’authentiques menaces.
Côté priorité donnée au climat, les changements de pied concernant le Fonds Vert ou le Fonds Chaleur envoient un signal extrêmement négatif. Le premier, doté de 2,5 milliards d’euros il y a un an, puis « sanctuarisé » à 2 milliards d’euros selon Christophe Béchu en avril 2024, finance des projets locaux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (rénovation des écoles et bâtiments publics) ou se préparer à un climat plus chaud (prévention des risques d’incendie de forêt par exemple). Il avait vocation à devenir le vecteur budgétaire de nouvelles priorités, par exemple en matière de stratégies de renaturation en ville ou de relocalisations littorales. Résultat : une division par deux dans le PLF.
Mais le plus inquiétant est à chercher du côté des perspectives économiques à court et moyen terme. Le cocktail retenu dans le PLF pour les collectivités, mêlant différentes mesures de réduction des ressources locales, au-delà même du Fonds Vert, et d’autres alourdissant leurs charges, complique la donne. Le « mécanisme de précaution » qui vise à prélever sur les recettes de fonctionnement des collectivités pour alimenter un fonds à la finalité et la gouvernance très floues, pourrait se révéler une arme de destruction massive de l’investissement public local.
Il n’est peut-être pas trop tard pour corriger le tir : en acceptant que les collectivités, peu endettées, empruntent davantage quand c’est pour préparer l’avenir de la planète ; ou en réinjectant immédiatement les sommes prélevées de façon concertée sur des projets concourant à la transition écologique locale.
Réconcilier les « deux dettes » budgétaire et climatique mentionnées par Michel Barnier passe aussi par un travail de fond sur les finances locales. Ce sujet nécessite une véritable transparence sur les contraintes de chacun, et un dialogue Etat/Collectivités renouvelé sur la base d’une vision objective des besoins locaux, soit l’inverse de ce à quoi nous assistons cette rentrée. Il reste à espérer que les discussions parlementaires pourront changer la donne.