Le Président de la République, dans sa lettre aux Français publiée le 10 juillet, appelle les forces républicaines à « engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays ». Le propos peut être contesté, mais il répond à une nécessité implacable : donner au parlement les moyens de jouer son rôle. Quitte à engager une profonde révolution interne.
Car fondamentalement, la réponse à la crise que nous vivons ne relève plus directement du Président de la République, mais bien de l’Assemblée Nationale, ou plus précisément de sa capacité à faire son propre aggiornamento, à changer sa manière de concevoir le débat et la confrontation d’idées : à rebours des outrances, obstructions et provocations en tous genres qui n’ont que trop plombé la vie parlementaire de ces deux dernières années. L’heure est sans doute venue de (re)trouver le chemin de la concertation, du compromis et de la responsabilité mutuelle.
« L’esprit de coopération »
Comme cela se passe chez nombre de nos partenaires européens, où le fonctionnement parlementaire est beaucoup plus régi par l’esprit de coopération que par l’obsession de la confrontation.
Regardons ce qui se passe en Allemagne ; regardons l’accord trouvé il y a quelques jours pour le budget 2025. Nos voisins d’outre-Rhin nous montrent clairement le chemin de la maturité parlementaire. Regardons ce qui se passe également au sein du parlement européen, qui est irrigué ontologiquement par la culture du débat et du compromis.
Mais peut-être n’est-il pas nécessaire d’aller au-delà de nos frontières : il suffit simplement d’observer comment nous fonctionnons au niveau de nos conseils municipaux, au sein de nos intercommunalités, dans nombre de nos collectivités locales.
L’exigence du terrain et de la proximité nous impose une attention particulière à l’autre, une responsabilité opérationnelle, une maïeutique du rassemblement. Les maires et élus locaux que nous sommes sont appelés par nécessité à chercher le dialogue, la concertation, l’adhésion, qui précèdent la décision. Décision qui n’a de sens et de portée que si elle est comprise et partagée par le plus grand nombre. Ce qui n’exclut pas le risque du conflit, mais en réduit néanmoins considérablement la probabilité et l’ampleur.
Plus encore, la conduite des affaires locales nous impose en permanence d’ouvrir la porte à de nouveaux partenaires, de rechercher de nouvelles alliances, d’apprendre à coconstruire.
Et c’est ainsi que nous pouvons non seulement répondre aux attentes quotidiennes de nos concitoyens, mais aussi poser les bases de changements et transformations beaucoup plus structurels, comme nous le faisons sur la transition écologique, sur la construction de la ville de demain, sur l’accompagnement social des personnes en difficultés et des familles, sur le renforcement du vivre-ensemble. Toutes choses qui ne seraient pas possibles sans une véritable culture de l’échange et de l’altérité en amont.
« Le moment est historique »
Pour le dire autrement, la manière dont nous animons nos majorités municipales – ouvertes sur la société civile et constituées de sensibilités très différentes unies autour d’un projet commun – pourrait à juste titre inspirer nos nouveaux députés, confrontés aujourd’hui à une situation totalement inédite qui implique de sortir des seules logiques d’appareil et de dialectique agonistique. Face aux enjeux majeurs et existentiels que le pays doit affronter, il n’est que temps d’adapter nos mœurs parlementaires et de refaire de l’Assemblée nationale une instance de débat, de respect et de dépassement. Il n’est que temps de renouer avec une atmosphère plus sereine, plus apaisée et plus responsable.
C’est sans doute ce que souhaitent de très nombreux Français. Et c’est sans doute aussi une condition indispensable pour retrouver une certaine efficacité publique ! Ce dont nombre de nos maires et élus locaux pourraient témoigner.
Le moment est historique : nos recettes d’hier ne sont plus adaptées à l’époque. Et l’expérience de la gouvernance locale peut servir en la matière de réel aiguillon. La balle est maintenant dans le camp de nos députés.
A eux de nous surprendre et de contribuer au développement d’une nouvelle culture du débat, qui ruissellera demain sur l’ensemble de la société.
A eux de bâtir au plus vite un esprit et une stratégie de coalition, sans lesquels notre pays risque de s’enfoncer toujours un peu plus dans le désarroi et la colère !
Thèmes abordés