(300 900 hab., Cher) L’hiver dernier, Val de Berry, le bailleur social du département du Cher, a pris une décision radicale. Il a choisi de mettre deux de ses chantiers à l’arrêt à Bourges. La raison ? La présence de chauves-souris qui finissaient d’hiberner… La démolition de deux tours a été repoussée de quelques semaines, le temps que les chiroptères s’en aillent. Dans une autre résidence, ce sont des travaux de rénovation par l’extérieur qui ont été suspendus jusqu’au printemps. Les experts y ont en effet découvert la présence de la deuxième plus grosse colonie de la ville, soit 200 individus.
Convention unique
Inscrites sur les listes des espèces protégées, en vertu d’un arrêté du 23 avril 2007, les chauves-souris sont en péril en milieu urbain en raison de la multiplication des travaux de rénovation énergétique et d’isolation par l’extérieur. En bouchant les fissures dans les murs, les maîtres d’ouvrage détruisent leurs habitats, quand ils ne les emmurent pas vivantes.
Sensibilisé par des salariés, Val de Berry, qui gère 12 000 logements sur 100 communes, s’est attaqué au sujet en instaurant un protocole extrêmement précis, formalisé dans une double convention passée avec le muséum de Bourges, une référence européenne en matière de chiroptères, et le bureau d’études EchoChiros.
« A ma connaissance, c’est la seule convention de ce type à l’échelle de tout un département », souligne Laurent Arthur, l’ancien directeur adjoint du muséum, initiateur de la démarche entamée en 2018. « L’enjeu est très fort car le Plan climat impacte fortement les chauves-souris. Les noctules, par exemple, sont une espèce particulièrement menacée et, si rien n’est fait, elles vont disparaître. »
Problème : les chauves-souris n’étant pas faciles à repérer, elles passent facilement inaperçues. Or, en détruisant des espèces protégées, les maîtres d’ouvrage se retrouvent dans l’illégalité et s’exposent à des sanctions en cas de contrôle de l’OFB.
D’où l’intérêt de prendre en compte cette problématique en amont, comme l’explique le directeur régional de l’OFB, Patrice van Bosterhaudt. « Cela permet de trouver des solutions qui respectent à la fois la réglementation et préservent les intérêts économiques de toutes les parties. »
Mesures de compensation
La première étape, cruciale, consiste à réaliser un diagnostic sur les immeubles. « Nous communiquons à nos partenaires notre programme de travaux et ils viennent systématiquement voir sur place », indique Florian Beauvais, responsable du pôle « communication » à Val de Berry. S’ils ne détectent rien, ils donnent leur feu vert. Dans le cas contraire, il faut extraire les chauves-souris si on le peut ou adapter le calendrier du chantier.
« Pour poursuivre les travaux, le bailleur doit obtenir une dérogation de l’administration et prévoir des mesures de compensation », précise Laurie Burette, du bureau d’études EchoChiros. Celles-ci se traduisent par la reconstitution des habitats des chauves-souris. Avec l’aide du muséum, le bailleur a expérimenté la pose de nichoirs adaptés, des boîtes en bois dotées d’une fente que l’on glisse dans l’isolant et qui sont invisibles de l’extérieur. Une soixantaine environ ont déjà été installées.
Cette démarche a un coût, mais il reste minime par rapport à l’enjeu, souligne le président de Val de Berry, Emmanuel Riotte. « Un nichoir coûte environ 600 euros, ce n’est rien sur un chantier de plusieurs millions d’euros ! »
A cela s’ajoute la rémunération du bureau d’études, qui intervenait à titre gratuit mais dont la charge de travail a beaucoup augmenté avec la hausse du nombre de chantiers de rénovation. L’idée est désormais que cette démarche soit « vulgarisée », et qu’elle fasse école auprès des collectivités.
Contact : Florian Beauvais, responsable du pôle « communication », Val de Berry, fbeauvais@valdeberry.fr
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