Depuis le mois de novembre 2023 jusqu’au début de l’année 2024, les habitants du nord et de l’ouest du département du Pas-de-Calais ont subi des dégâts considérables causés par d’importantes inondations.
Cette catastrophe a généré un sentiment, à la fois, de désarroi et de colère tournée contre un « ils » qui globalise les responsables de cette situation, sans que ceux-ci soient précisément désignés, mais qui se traduit, en tout état de cause, par un appel à l’aide adressé en premier lieu à l’Etat.
Si ce dernier conserve un pouvoir, notamment de prescription et de contrôle en matière de lutte contre les inondations, les conditions et l’effectivité de mise en œuvre de cette lutte relèvent pourtant, sur le terrain, des collectivités territoriales et de leurs intercommunalités.
La complexité de la gestion hydraulique du territoire due à la coexistence de syndicats mixtes
Les deux schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGES) des sous-bassins de l’Audomarois (secteur de Saint-Omer) et du delta de l’Aa sont gérés par le syndicat mixte « Institution Intercommunale des Wateringues » (IIW), qui regroupe lui-même six intercommunalités.
Les deux autres sous-bassins ayant aussi leur SAGE respectif, sont gérés par deux autres syndicats mixtes, celui du bassin de la Lys (SYMSAGEL) et celui du bassin de l’Yser géré par l’Union syndicale d’aménagement hydraulique du Nord (USAN), eux-mêmes composés de sept intercommunalités.
La coexistence des trois syndicats mixtes compromet la mise en oeuvre de la planification de la lutte contre les inondations et l’animation et la coordination des actions relevant de la GEMAPI.
Ainsi, le périmètre des deux sous-bassins du delta de l’Aa et de l’Audomarois dépasse celui des six intercommunalités qui composent le syndicat mixte IIW. De surcroît, plusieurs autres syndicats exercent les missions de la GEMAPI pour certaines de ces intercommunalités. Cette limitation et cet enchevêtrement de compétences ne permettent pas à l’IIW de mettre en œuvre ses missions de façon efficace au niveau d’un territoire cohérent au plan hydrologique.
La fragilité du dispositif de lutte contre les inondations due à la dispersion des acteurs
L’action de terrain, en matière de lutte contre les inondations, repose d’abord sur le bon entretien des watergangs formés par les réseaux de fossés et d’ouvrages de drainage à vocation de dessèchement des terrains qui se situent en dessous du niveau de la mer.
Ces watergangs sont la propriété de onze sections de wateringues, constituées sous la forme d’associations syndicales autorisées, territorialement et administrativement indépendantes, dont le conseil constitutif ayant pour mission d’assurer la coordination entre les associations ne se réunit pas, ce qui ne permet pas à l’IIW de parer en temps utile aux situations de défaut d’entretien des watergangs.
Trois autorités portuaires, la région, la communauté urbaine de Dunkerque et le port de Dunkerque, assurent, pour leur part, l’exploitation et la maintenance des ouvrages d’évacuation des eaux à la mer que leur a confiées l’IIW.
Par ailleurs, l’Etat détient un quadruple rôle, en matière de stratégie locale de gestion des risques d’inondation, de contrôle de l’articulation des programmes d’action avec le schéma directeur des SAGES et les plans de gestion des risques d’inondations (PGRI), de contrôle du respect de ces plans par les maires dans la délivrance des actes d’urbanisme et de contrôle, dans les situations exceptionnelles, de la bonne application des protocoles de gestion devant garantir la solidarité entre acteurs pour l’évacuation des eaux en cas de crues et d’inondations provoquées par la surabondance des pluies.
Sur ce point, les inondations récentes qui ont durement frappé les occupants des habitations construites en zones inondables ont fait manifestement ressortir que des permis de construire ont pu être octroyés, nonobstant les contrôles impartis aux directions territoriales de l’Etat agissant sous l’autorité des préfets, en ignorant le périmètre de ces zones.
Enfin, le rôle de l’IIW risquerait d’être davantage fragilisé si ses compétences statutaires devaient être pleinement étendues à la lutte contre les inondations par submersions marines, dont le risque augmente avec le réchauffement climatique.
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