Coup de tonnerre en pleine trêve des confiseurs. Jean Rottner, le président LR du Grand Est quitte, ce 20 décembre, la vie politique. Une démission-surprise qui garde sa part de mystère. « Cette décision mûrement réfléchie n’a pas été facile à prendre. Elle surprendra. Certainement. Elle sera commentée. Assurément », glisse Jean Rottner dans un communiqué, évoquant « des impératifs familiaux », sans en dire plus.
L’élu n’appartient pas au cercle des professionnels de la politique. Ce médecin-urgentiste de carrière s’est fait connaître lors de la crise sanitaire. Sa région a été l’une des premières touchées. Avec sa double-casquette d’élu et de médecin, il a organisé l’acheminement des malades les plus graves et a fait venir des stocks de masques.
Bras de fer avec la collectivité européenne
Maire de Mulhouse à la suite du néo-sarkozyste Jean-Marie Bockel à partir de 2010, Jean Rottner reprend le flambeau de Philippe Richert (LR) aux commandes du Grand Est en 2017. Un mandat compliqué. Le mariage à trois entre l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne suscite toujours de fortes crispations sur les bords du Rhin. Créée en 2021, la collectivité européenne d’Alsace (CEA) ne met pas un terme au débat.
Son président Frédéric Bierry (LR) souhaite un retour aux frontières d’avant la réforme de 2015. « Personne, en Alsace, ne se sent Grand-Estien ou Grand Estois. Le périmètre est beaucoup trop large. Le Grand Est perd une énergie considérable à essayer de fédérer des territoires qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. La Champagne-Ardenne regarde vers Paris, le Sillon Lorrain vers le Luxembourg, nous vers l’axe Rhénan. Il sera toujours plus facile pour nous de traverser le Rhin que les Vosges », juge Frédéric Bierry, au moment où il lance, au début de cette année, une consultation auprès des populations locales.
Un vote informel qui se solde par 92 % de suffrages en faveur d’un retour à la région Alsace. « Pas une baguette de pain ou un bar qui n’a pu échapper pendant 2 mois à un matraquage de la campagne de la CEA, mais avec 88 % de non-participation, la modération s’impose, grince en retour Jean Rottner. J’attendais autre chose de la nouvelle collectivité. Être alsacien c’est être, au carrefour de l’Europe, un symbole de la réconciliation. » Un plaidoyer territorial qui peine à trouver un écho.
Guerre des droites
La situation politique de Jean Rottner n’est guère plus limpide. Un temps Macron-compatible, il soutient Valérie Pécresse à la présidentielle. Mais le centriste alsacien voit d’un mauvais œil la droitisation des Républicains d’Eric Ciotti. C’est d’ailleurs un élu issu du parti d’Edouard Philippe (Horizons), Franck Leroy qui devrait assurer l’intérim aux commandes du Grand Est.
« Jean Rottner prend la décision courageuse de la fidélité à ses convictions », salue la patronne de Régions de France, Carole Delga.
L’édile d’Occitanie se félicite, au passage, de l’action de son collègue du Grand Est à la tête de la commission Transports de l’association d’élus : « Jean Rottner s’est imposé comme un interlocuteur exigeant de l’Etat, disposant à la fois d’une grande maîtrise technique des sujets de transport et d’une vision politique pour les mobilités en France. Il n’a eu de cesse d’alerter sur la dégradation continue de l’infrastructure ferroviaire, colonne vertébrale des mobilités en France, et sur l’urgence à concevoir de nouvelles solutions pour créer les conditions d’un plan d’investissement massif en faveur du rail. »
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