La décentralisation à la française a consacré, au début des années 80, une régulation des finances locales centrée sur la double responsabilisation des électeurs et leurs représentants. En théorie, le désagrément directement infligé par l’impôt, associé à l’existence d’une concurrence par comparaison, conduit à un optimum entre la désutilité du prélèvement individuel et l’utilité du financement collectif résultant de l’arbitrage des électeurs qui en veulent pour leur argent et des élus soucieux de leur réélection.
Décomposition d’un modèle
Ce modèle vertueux s’est progressivement décomposé jusqu’à la suppression sèche du dernier impôt faisant contribuer l’ensemble des résidents aux charges communes et garantissant une autonomie de décision aux exécutifs locaux. Le basculement vers une conception intégrée des finances publiques, souhaitée de longue date par Bercy, constitue pourtant une victoire à la Pyrrhus car la pression de la dépense est désormais transférée sur la fiscalité nationale. Surtout cette recentralisation encourage l’irresponsabilité politique et citoyenne, ne laissant derrière elle que la surenchère des « gens » et des élus coalisés contre la surdité d’en haut (les élites, l’Europe) face aux » vrais besoins ». Qui peut imaginer qu’il sorte de ce risque populiste une rationalité des arbitrages ?
Le récent désaveux du gouvernement à l’assemblée nationale sur les finances locales (aide à l’énergie dans le projet de loi de finances rectificative par exemple) est un exemple parfait de cette régulation aléatoire désormais régie par le rapport de force et fluctuant au gré des circonstances politiciennes. La fin du cumul des mandats devait permettre la défense d’un intérêt générale local. La majorité relative résultant des dernières élections législatives a, au contraire, renforcé les conservatismes locaux comme le montre le report de l’actualisation des bases des locaux professionnels faisant craindre la répétition de l’immobilisme qui a conduit, durant 40 ans, au découplage progressif entre la référence indiciaire et la valeur de marché.
Un rapport récent de la Cour des comptes esquisse plusieurs scénarii d’évolution pour le financement des collectivités locales. Dès lors que la cause de l’autonomie fiscale apparait désespérée pour les Départements et les Régions, la haute juridiction propose de concentrer la fiscalité locale sur le bloc communal, les autres composantes étant financées par impôts transférés ou dotations.
Un nouvel impôt résidentiel est irréaliste
S’il apparait irréaliste en l’état d’imaginer un nouvel impôt citoyen concernant tous les résidents, il est peut-être envisageable de suggérer (1) un cheminement constructif du côté de la taxe foncière des communes. Après avoir séparé la détermination de la part professionnelle du vote portant sur celle des ménages, car ne portant pas le même contenu de démocratie fiscale, il serait concevable que cette taxe foncière ménage redevienne le support, une fois les valeurs locatives rénovées, d’un authentique impôt communal politiquement responsable.
A l’instar de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, on pourrait commencer très vite par proposer une information vers l’occupant du montant que paye son propriétaire bailleur afin que le locataire ne soit pas hors-jeu, sans exclure par la suite une redistribution de tout ou partie des futures augmentations qui apparaissent inévitables dans le nouveau contexte inflationniste. Ainsi renaitrait doucement l’impôt local, entendu comme contrepartie du service public, à la fois citoyen et adossé aux réalités tant économiques que territoriales.
Thèmes abordés