Opacité fiscale
Savez-vous combien vous payez de TVA et de CSG chaque année ? Non, bien sûr, pas plus que moi, vous ne vous adonnez à ce calcul fastidieux – à moins que vous ne soyez vraiment « accro » aux finances publiques (ce qui est le cas d’un certain nombre de nos lecteurs). Et quel est le montant de votre impôt sur le revenu ? Si vous le connaissez, c’est que vous appartenez à la petite moitié des foyers fiscaux qui l’acquittent. Les autres se contentent machinalement de balayer du regard leur avis annuel qui mentionne « zéro » en bas de page.
Parlons maintenant de la taxe d’habitation : cette espèce fiscale en voie d’extinction n’arrive plus que dans une minorité de boîte aux lettres – avec un montant dû qui s’étiole, lentement mais sûrement. Une lente agonie qui la conduira bientôt au musée de l’histoire fiscale, exposée aux regards désolés de nos élus locaux. Et c’est ainsi que décline l’impôt « concret », « tangible », au profit de prélèvements complexes, dont le citoyen ne connaît pas les arcanes.
Nous ne savons plus ce que nous payons, ni à qui nous le versons. « Nous rendons du pouvoir d’achat aux Français », disent les gouvernants, quand ils suppriment un impôt direct (ou une cotisation salariale). Je pense pour ma part qu’ils les infantilisent.
Qui paye décide
C’est un principe inoxydable : celui qui signe les chèques dirige les opérations. Dans les collectivités, l’impôt foncier, pour l’instant épargné par les réformes successives, va donner un avantage décisif à une catégorie de contribuables, celle qui continue d’acquitter une taxe locale, celle qui « épluchera » encore son avis annuel, attentive aux taux votés par la commune, et au résultat inscrit sur la ligne du bas. Je parle évidemment des propriétaires, dont le poids relatif dans les élections va encore s’accroître.
Eux ne se priveront pas de manifester leur assentiment ou leur réprobation dans les urnes : le lien fiscal entre le « citoyen propriétaire » et la collectivité n’est pas rompu. On sait que les jeunes et les classes populaires ne votent plus, ou peu, ce qu’ont spectaculairement démontré les scrutins de juin dernier. Il est probable que la disparition de la taxe d’habitation va aggraver ce phénomène, en dénouant encore le lien entre l’électeur et ses dirigeants.
Arnaque
Au niveau national comme local, payer l’impôt devient un privilège. Ce qui était un devoir pour tous (et conférait des droits) est devenu un avantage qui se concentre sur une frange plus étroite de la population.
Tout le monde se voit prélever la CSG et la TVA (y compris les plus pauvres de nos concitoyens) mais les super-cotisants, les assujettis à la taxe foncière et à l’impôt sur le revenu, ont une conscience et une compréhension plus claire des enjeux fiscaux, car ils accomplissent un geste volontaire. Ce ne sont pas des contribuables passifs : ce sont aussi des électeurs plus motivés. La gratuité est une arnaque, la voie vers une démocratie censitaire.
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