Tribune de Marc Ratsimba, président de Profession Banlieue, directeur général adjoint au renouvellement urbain, Clichy-sous-Bois et communauté d’agglomération Clichy-Montfermeil
Les soixante mesures du comité interministériel du 6 mars 2015 visaient à répondre aux attentats de janvier, sans pour autant s’afficher comme un énième plan pour la banlieue. Pourtant, en dénonçant dans la même séquence un « apartheid territorial », le gouvernement a fait, au moins implicitement, un lien entre concentration des minorités et terrorisme. De nombreuses mesures ciblent très largement les quartiers de banlieue, la plus emblématique étant celle visant à lutter contre la ségrégation sociospatiale par une limitation du relogement des ménages les plus pauvres dans le parc social des 1 500 quartiers de la politique de la ville. Une proposition depuis déclinée en une vingtaine d’autres mesures visant à « favoriser la mixité sociale » et à lutter contre « l’apartheid social, territorial et ethnique ».
Il faut rappeler qu’il n’existe pas de rapport direct de cause à effet entre les difficultés socio-économiques des quartiers prioritaires où vivent des millions de nos concitoyens et les dérives fanatiques et sectaires de quelques centaines de personnes. Laisser entendre cela, c’est favoriser les amalgames et c’est, une nouvelle fois, stigmatiser l’ensemble des populations qui vit dans ces quartiers. Plutôt que de parler des supposés « échecs de la politique de la ville », il conviendrait de s’interroger sur les carences de l’ensemble des politiques publiques dans certains quartiers. Les politiques du logement menées ces cinquante dernières années sont à ce titre emblématiques des difficultés récurrentes à favoriser une répartition plus juste des logements accessibles aux ménages modestes.
Si l’on ne peut que souscrire à l’objectif louable de favoriser une plus grande mixité sociale dans nos villes et nos quartiers, l’objectif de mixité, dont les vertus restent encore largement à démontrer, ne peut en aucun cas primer sur le droit fondamental au logement pour tous. Plutôt que de pointer les symptômes que représente la concentration des ménages pauvres et immigrés dans certains quartiers, il conviendrait d’agir sur les causes profondes que sont les mécanismes de regroupement des populations les plus riches, les logiques d’évitement de la mixité parmi les populations moins défavorisées.
Il faudrait s’interroger sur l’incapacité chronique de nos politiques à produire des logements accessibles financièrement et à lutter contre des égoïsmes locaux qui refusent la production de logements sociaux. Plutôt qu’un discours déjà ancien et resté jusqu’alors largement incantatoire sur la nécessité de loger les ménages pauvres, il convient d’abord, pour rendre cela possible, de garantir une plus grande solidarité entre les territoires et de pouvoir construire des logements sociaux partout où il y a des besoins.
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