Auteur de plusieurs ouvrages consacrés au rôle de la France au Rwanda pendant les événements liés au génocide perpétré en 1994, un chercheur s’était vu opposer le refus du ministère de la Culture pour consulter les documents déposés par le président de la République alors en fonction, François Mitterrand, aux Archives nationales. Saisi de ce refus, le Conseil d’Etat, réuni en assemblée du contentieux – sa formation la plus solennelle –, autorise le chercheur à consulter ces documents avant le délai de soixante ans prévu par le protocole de remise.
Cassation
Dans sa décision du 12 juin (1), le Conseil d’Etat, saisi en cassation et réglant l’affaire au fond, estime tout d’abord que le chercheur a un intérêt légitime à consulter ces archives pour nourrir ses recherches historiques et ainsi éclairer le débat sur une question d’intérêt public.
Ensuite, la Haute Juridiction rappelle que même si les documents en cause comportent des informations sensibles, « il s’avère que leur consultation a déjà été autorisée pour de précédents travaux de recherche qui font état de leur contenu et qu’ils ont, pour certains, été rendus publics par le passé ». Enfin, le Conseil d’Etat pose les risques qui doivent être mis en balance puisqu’il s’agit en l’espèce d’archives publiques émanant du président de la République et des membres du gouvernement.
L’autorisation de les consulter avant la fin du délai pendant lequel elles ne sont pas librement accessibles est accordée « si la consultation de ces documents ne porte pas une atteinte excessive au secret des délibérations du pouvoir exécutif, à la conduite de la politique étrangère et aux intérêts fondamentaux de l’Etat, que la loi a entendu protéger ». En conséquence, après cette mise en balance de la protection des secrets de l’Etat avec l’intérêt d’informer le public sur ces événements historiques, le Conseil d’Etat juge que l’administration doit permettre au chercheur d’accéder à ces archives.
Articles fondamentaux
Plus généralement, dans sa décision, le Conseil d’Etat rappelle que la possibilité d’accéder aux archives publiques découle tant du droit de demander compte à tout agent public de son administration, énoncé par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, que, dans certains cas, de la liberté d’expression protégée par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Une lecture de ces deux articles fondamentaux qu’avait eue, en 2017 (2), le Conseil constitutionnel : « Est garanti constitutionnellement le droit d’accès aux documents d’archives publiques, avec possibilité pour le législateur d’apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi. » Sauf qu’en absence de loi, la transparence est désormais reine…
Cet article est en relation avec le dossier
Notes
Note 01 CE, 12 juin 2020, req. nos 422327 et 431026. Retour au texte
Note 02 CC, 15 septembre 2017, QPC n° 2017-655 Retour au texte