Le discours est martelé jour après jour : les dépenses publiques pèsent sur la richesse du pays, la masse salariale des fonctionnaires est hors de contrôle, toujours croissante… A minima, « on » veut bien concéder que les politiques de solidarité ne sont pas totalement inutiles, « mais il y a tellement d’abus » ! Cette rhétorique est si puissante, et si constante, que ce que produisent l’action publique, le travail des fonctionnaires et les choix des élus n’est jamais crédité dans la richesse du pays.
Valeur collective
Il faut, dès lors, se réjouir de la mise au point de méthodologies qui mesurent ce que rapporte une politique publique donnée, non pas seulement en termes économiques et monétaires, trop frustres, mais du point de vue de la valeur socioéconomique, notion bien plus riche.
A l’inverse du secteur privé, qui ne compte qu’exceptionnellement les externalités négatives de ses productions – faisant retomber sur la solidarité nationale le coût de la réparation de ses dégâts – il s’agit, dans les projets de villes intelligentes en particulier, de mesurer la valeur collective (économique, sociale, environnementale…) induite par une politique publique, en la monétisant, c’est-à-dire en l’exprimant en euros sonnants et trébuchants. Ainsi, la nouvelle gestion des déchets du Grand Besançon a beau ne pas être rentable financièrement, elle est largement bénéficiaire dès lors qu’on l’exprime en valeur collective créée.
Libertés individuelles
Ces méthodologies deviennent utilisables dans les projets de ville intelligente grâce aux capteurs numériques déployés, qui quantifient à peu près tout ce que l’on veut. Et il faudra sans doute apprendre à donner un prix à cette quantification. A Toronto, au Canada, où les autorités ont confié à une filiale de Google l’aménagement entier d’un quartier (forcément intelligent) un débat de plus en plus vif prend corps : à qui appartiendra la valeur produite par l’exploitation des données récoltées pour piloter cette ville du futur ? Quel est le prix de cette ville intelligente, avide de données personnelles, au regard des libertés individuelles ?
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