« Amphithéâtre (peu) cosy au style très épuré et à la décoration spartiate accueille colloque organisé par l’Association nantaise l’Aménagement et d’Urbanisme (ANAU). Welcome Home ». Cette année, à l’occasion de leur 14e colloque, les étudiants en Master 2 Villes et Territoire à l’Ecole nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Nantes se sont penchés sur les rapports compliqués sinon schizophréniques, entre les villes et le mastodonte californien AirBnB. Une société « valorisée à 30 milliards d’euros qui comporte deux visages selon Sylvain Grisot, urbaniste consultant en transformation de la ville : un premier « qui intensifie les usages existants à savoir optimiser l’usage d’un logement ». Et un second qui entraîne « une évaporation des logements du marché locatif traditionnel ». Et pas seulement dans les grandes métropoles. A Albi (Tarn), le géographe Mathieu Vidal (Institut national Jean-François Champollion) les évalue « à une trentaine, dans quelques rues autour de la cathédrale ».
Moins d’habitants, plus de touristes
A l’occasion d’une table-ronde baptisée AirBnb, briseur de ville ?, l’élu Bordelais Matthieu Rouveyre a rappelé que « la dernière rentrée universitaire avait été un calvaire pour les étudiants. Dans certains quartiers, les touristes ont remplacé les habitants. On observe aussi un impact sur les commerces de proximité… »
Pas question pour autant de mettre tout sur le dos de l’entreprise américaine. « A la base quand même, c’est l’appât du gain qui motive les loueurs », poursuit celui qui est également fondateur de l’Observatoire Airbnb.
« Certains, en proposant leur logement 10 nuits sur la plate-forme, gagnent plus qu’en un mois de location traditionnelle. Et pour les touristes, c’est la démocratisation des vacances. Il faut aussi s’interroger sur ce plan ».
Les collectivités ne se posent donc pas en victimes expiatoires du système. Jacques Galhardo, géographe à l’Université François Rabelais de Tours souligne que « Lisbonne utilise le levier Airbnb pour faire la promotion de la ville ». Et comme le reconnaît Fabrice Roussel, vice-président de Nantes Métropole, « quand nous misons sur le tourisme comme nous le faisons, à Nantes, il faut aussi en assumer les conséquences ».
Dans la Cité des Ducs, 3 000 logements figurent sur la plate-forme, soit 2% de l’offre. Taxe de séjour, mesures de compensation, travail avec le secteur hôtelier… « Nous commençons tout juste à traiter le problème. L’enjeu est surtout de se battre contre les sociétés immobilières qui proposent des meublés ».
Montrer les muscles
Pas simple dans une ville où seules 8% des annonces comportent un numéro d’enregistrement unique de l’hôte, selon Matthieu Rouveyre (23% à Bordeaux). Les autres sont hors-la-loi ». Mais qui s’en soucie ? Et comment vérifier ?
Bordeaux a dépêché une brigade de trois personnes qui fait du porte-à-porte. A Nantes, deux agents vont être affectés à cette mission de contrôle. « Ce serait quand même simple sur le plan technique de conditionner le dépôt d’une annonce à la détention de ce numéro… Le rapport de force est compliqué, mais nous devons l’utiliser. Il faut montrer les muscles », conclut l’élu girondin. Lequel a toutefois constaté que l’offre de logements entiers avait baissé de 12% entre décembre 2017 et décembre 2018, dans sa ville. Les premiers effets de la régulation ?
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