C’est une première. Un journaliste, Guillaume Tatu, proche de la France insoumise, a porté plainte vendredi 4 janvier contre Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, pour l’avoir bloqué sur Twitter. Maître Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris et spécialiste du droit des médias et de l’Internet, précise que « le compte tenu par Richard Ferrand l’est en sa qualité de président de l’Assemblée nationale. Et il en a bloqué l’accès à un journaliste qu’il assimile à un opposant politique, puisque celui-ci relaie des articles lui portant préjudice. Pourtant il n’y a eu ni insultes, ni harcèlement. »
Maître Arash Derambarsh, représentant de Guillaume Tatu dans cette affaire, précise d’ailleurs que le journaliste n’a pas été la seule personne bloquée par le président de l’Assemblée nationale : « Monsieur Ferrand bloque systématiquement les gens qui n’ont pas les mêmes idées politiques que lui. C’est notamment le cas de nombreux syndicalistes. » Ce qui pose la question : « est-ce qu’un élu peut empêcher un citoyen de lire ses publications et de les commenter ? » explique Maître Vallat. « S’il y a des messages haineux, on peut le concevoir. Mais sinon ? »
Une plainte contre le pouvoir régalien
Une affaire similaire a fait l’objet d’une décision de justice le 23 mai dernier aux Etats-Unis. Une juge fédérale de New-York a demandé à Donald Trump à ne pas bloquer de citoyens sur Twitter. Les prévenants se prévalaient notamment du fait que le compte du président américain était un « forum public ». La juge Naomi Reice Buchwald a en effet considéré que Donald Trump devait laisser la possibilité aux citoyens américains de réagir à ses tweets, comme le veut la liberté d’expression protégée par le premier amendement de la Constitution américaine.
Rebondissant sur cette décision, le journaliste français a décidé de porter l’affaire devant la justice, avec une plainte au pénal. « Il estime avoir été bloqué par un compte qui relève de l’information publique et de l’intérêt général, » explique Thierry Vallat. Maître Derambarsh précise que cette plainte ne concerne que « les quatre premiers personnages de l’Etat, le Président de la République, le président du Sénat, le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale, car ces quatre personnalités détiennent le pouvoir régalien en France ».
Un questionnement légitime selon Maître Vallat : « à partir du moment où une institution publique (ou un élu) choisit d’utiliser un réseau social, comme un compte Twitter, pour transmettre de l’information d’intérêt général à la population, pourquoi interdire à une personne (ou à un groupe de personnes) d’avoir accès à ces informations pour la simple raison qu’elle a (ou qu’ils ont) émis un commentaire critique à son propos ou à celui de ses publications ? »
Un cadre juridique inexistant
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