Le 19 avril dernier, Marc Laimé, journaliste et consultant a mis en ligne sur son blog un « rapport-choc » sur la gestion des eaux pluviales. De façon surprenante, il a dû saisir la commission d’accès aux documents administratifs pour l’obtenir. Et pour cause : son contenu est potentiellement explosif.
Ce rapport résulte pourtant de façon très classique d’une mission d’expertise confié au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) en 2015, par le ministère en charge de l’écologie. Coordonnée par le président de la section mobilités et transports, Pierre-Alain Roche, elle visait à formuler des propositions pour aller vers une politique de gestion intégrée des eaux pluviales.
C’est en effet un enjeu majeur pour la biodiversité, pour l’adaptation des villes au changement climatique, pour la protection de la qualité des ressources en eau et la maîtrise des risques d’inondation. En outre, cette politique se situe à la croisée des compétences de l’Etat (police de l’eau) et des collectivités (aménagement, urbanisme, Gemapi). Ce rapport avait toute une utilité toute trouvée pour éclairer le débat.
Un rapport resté dans les tiroirs…
Alors pourquoi ce rapport rendu en avril 2017 n’a jamais été publié officiellement ? La gestion des eaux pluviales a pourtant été largement débattue au Parlement, fin 2017, dans le cadre de l’assouplissement de la Gemapi. De nombreux élus s’opposent en effet à ce que la gestion des eaux pluviales soit incluse dans la compétence assainissement.
La question est d’ailleurs revenue sur le tapis le 17 avril lors du passage au Sénat de la proposition de loi sur le transfert des compétences eau et assainissement.
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur y a justement annoncé la prochaine transmission au Parlement d’un rapport sur les eaux pluviales. Dans quelle mesure ce rapport va-t-il reprendre les préconisations de celui du CGEDD ?
… Qui propose une refonte intégrale du système
Le rapport « Roche » s’attaque au vaste chantier de l’articulation entre les eaux pluviales, l’assainissement, la Gemapi, l’urbanisme… Ambitieux et conscient des problèmes, il propose un « plan d’action partenarial 2017-2026 pour la réduction de la pollution par temps de pluie et des dommages du ruissellement et pour la valorisation de la présence de l’eau en ville », nommé « décennie des eaux pluviales ».
Ce travail propose notamment de « mieux articuler les politiques concernant les eaux pluviales et le ruissellement et d’en améliorer le financement ». Il décrit les difficultés de ce financement et demande de trouver un « périmètre clair » pour le « stabilisé ». En quelques mots : il ne met rien de moins qu’une refonte complète du système sur la table.
Vers une action en justice ?
Un sujet d’autant plus explosif que la gestion des eaux pluviales représente un enjeu financier important : environ 2 milliards d’euros par an. « Or, son financement est illégal, car il ne repose sur aucune habilitation législative. Il s’appuie uniquement sur une circulaire interministérielle de 1978, qui fait peser, à tort, ce financement sur l’usager de l’assainissement » dénonce Marc Laimé.
Le rapport propose d’abonder le budget d’assainissement, élargi aux eaux pluviales, par des « redevances perçues sur les constructions », une nouvelle taxe auprès des aménageurs qui imperméabilisent les sols. « Ce serait l’application du principe pollueur-payeur à l’urbanisme » résume le journaliste.
Si ce rapport n’est pas pris en compte au niveau législatif, il pourrait avoir des suites juridiques. « Un collectif d’usagers pourrait très bien saisir un tribunal administratif pour dénoncer l’illégalité des prélèvements opérés pour le pluvial » estime ainsi ce dernier.
Thèmes abordés